Publié par : PBY-Catalina | 29/10/2010

Le point de vue du mécanicien-the engineer point of view (5)

Avant de vous parler du R-3350 et des nombreux problèmes qui ont jalonné son étude puis sa conception et enfin ses essais et sa mise en service, je vais faire un petit retour en arrière pour expliquer comment ce moteur en étoile a été conçu.

Wright et Pratt & Whitney sont les deux motoristes américains qui symbolisent plus que n’importe quelle autre société l’avènement des moteurs puissants. Wright, né en 1919 de la fabrication sous licence des moteurs Hispano-Suiza conçus par l’ingénieur suisse Mark Birgkit, lança rapidement son propre bureau d’études pour se lancer dans l’étude du premier bloc national, le R-1. Ce moteur avait été dessiné, comme nous l’avons vu, par Frederick Rentschler, véritable avocat du moteur refroidi par air à une époque ou tout le monde ne jurait que par les moteurs refroidis par liquide. Devenu président de la Wright aeronautical, il soumit son idée de développement au groupe d’administrateurs de la société, essentiellement composé d’investisseurs n’ayant que peu d’intérêt pour l’aéronautique. Ces derniers, ne désirant pas prendre de risques, lui opposent une fin de non-recevoir et en 1924, Rentschler, lassé de devoir sans cesse se justifier et combattre pour ses propres idées, finit par claquer la porte et donner sa démission.

Mark Birgkit, le concepteur du moteur Hispano-Suiza V8 refroidi par liquide, aux carters en alliage léger, qui fut produit sous licence par Wright.

Soutenu par le chef de bureau d’études de Wright qui est également un ami, Rentschler poursuit ses recherches -car il est également habile de ses doigts puisque sa famille possédait une entreprise de moulage et d’usinage- et finit par approcher l’entreprise Pratt & Whitney Machine Tools Company qui s’intéresse à son moteur. Car Rentschler a un joker dans sa manche : son moteur bénéficie déjà d’un soutien en la personne d’un amiral de l’US Navy. C’est ainsi que Rentschler va se retrouver à la tête de la P&W aircraft company et développer la gamme des Wasp, nom trouvé pour la série des blocs par sa propre femme. En 1925, le premier Wasp tourne au banc d’essais.

Chez Wright on a compris l’erreur, même les administrateurs qui d’ailleurs se mordent les doigts. Il est désormais clair que l’US Navy constitue un marché à elle seule et elle sponsorise d’ailleurs les recherches dans les moteurs en étoile. Seulement Rentschler est parti avec son projet -il estime que ses recherches concernant son propre bloc conduiront à un moteur supérieur au projet du Wright P2- et d’autres ingénieurs et techniciens qui s’étaient consacrés au programme ont également donné leur démission. A tel point qu’après plusieurs semaines, Wright finit par stopper le développement du bloc P2, lequel ne sera jamais produit en série.

Il faut attendre 1926 pour que Wright réagisse et propose le R-1750 Cyclone, un dérivé lointain du J-5 Whirlwind, d’une cylindrée supérieure qui va évoluer dans le temps. En 1927, la puissance est portée à 500 ch, en 1932, l’alésage est porté à 156 mm avec une cylindrée résultante de 29,8 litres (R-1820 F) et le moteur ne cesse d’être perfectionné : les carters sont forgés pour une résistance accrue, les ailettes de refroidissement sont plus nombreuses pour mieux dissiper les calories, le vilebrequin en deux éléments bénéficie d’un contrepoids d’équilibrage et pour finir le bloc peut être suralimenté par compresseur ou turbocompresseur (version R-1820 Cyclone 9), ce qui lui permet de donner 1 200 ch pour les B-17 sur lesquels il sera installé puis 1 525 ch après-guerre sur les hélicoptères et autres avions.

Différentes variantes du R-1820 dont on peut constater la puissance de plus en plus élevée en regardant à droite du tableau.

Mais dès 1935, Wright décide de suivre le chemin pris par son concurrent, P&W, qui s’est engagé dans l’étude et le développement de moteurs de puissance et de cylindrée de plus en plus importantes. Le Wasp est devenu Twin Wasp (R-1830 et R-2000), puis Double Wasp (R-2800). Wright imite donc son concurrent et en montant une deuxième rangée de 7 cylindres, Wright développe le R-2600 ou Cyclone 14, qui commence d’abord par équiper les Boeing 314 de la Pan-Am, puis les Douglas A-20 Havoc, North-American B-25 Mitchell et Grumman TBM Avenger. Dans la course à la puissance, Wright décide alors d’ajouter 4 cylindres sur le bloc en double étoile, soit 18 cylindres (9 par étoile) et a dans ses cartons un projet de moteur à 22 cylindres (qui sera testé mais jamais produit en série).

Le Boeing XBLR-1 (acronyme de prototype de bombardier à long rayon d'action) ou XB-15 fut le premier banc d'essais volant visant à acquérir une certaine expérience en matière d'appareils à grande autonomie. Les retombées technologiques conduirent au B-17.

Cette course à la puissance est motivée par deux éléments principaux : d’abord l’étude de bombardiers aux dimensions de plus en plus importantes, qui commence avec le XBLR-1 (ou Boeing XB-15 selon la dénomination constructeur Boeing 294) qui permet l’étude du fameux B-17, mais également au niveau des compagnies aériennes, qui envisage déjà le futur et les marchés émergents qui vont se présenter dans l’immédiat après-guerre. Ainsi quelques années plus tard, lorsque Howard Hughes a pour projet d’équiper TWA, dont il est devenu propriétaire et qui lutte à couteaux tirés avec Juan Trippe et la Pan-Am, pour renouveler une partie de sa flotte avec ce qui ne s’appelle pas encore le Lockheed Constellation, ce sont les puissants Wright R-3350 qu’il choisit sur les conseils de la direction technique de sa compagnie aérienne. A cette époque, les R-3350 sont encore loin d’être au point, mais les conseillers techniques misent sur l’USAAF qui doit absolument disposer de moteurs capables de faire voler un bombardier à long rayon d’action pour toucher le Japon (le B-29 Superfortress, ce qui se fera d’abord très maladroitement depuis la Chine, puis des îles Mariannes). Quand au R-3350 voit son étude lancée en janvier 1936. Il possède le même alésage x course que le R-2600 mais reçoit deux cylindres supplémentaires. La conception du moteur est en partie liée à un autre projet de taille, dit Projet D, lancé par l’USAC en février 1935, dont je vous parlerai dans un article suivant.

Howard Hughes fut à l'origine de l'étude du Lockheed Constellation, dont les livraisons et le modèle d'appareil furent handicapés par le conflit, les militaires et la fin du conflit. Toutefois lorsqu'on lui proposa, lors de la discussion tournant autour de l'étude du futur appareil de transport, de le motoriser avec des R-2600, Hughes appuyé par ses conseillers techniques exigea de motoriser l'appareil avec des Wright R-3350, bien que le moteur était encore loin d'être au point. Mais Hughes et son équipe tablèrent sur l'USAAF et le B-29, dont les R-3350 qui le motorisaient devaient forcément être optimisés.

Le R-3350 effectue ses premiers essais en mai 1937, et se révèle calamiteux dès le début. Le bloc est perclus de problèmes : les soupapes de la deuxième rangée de cylindres sont soit aspirées dans les cylindres, soit soumises à des températures extrêmes. Le système de carburation/suralimentation fait s’arracher les cheveux des techniciens et ingénieurs : certains cylindres reçoivent deux fois la charge de mélange air/essence, ce qui entraîne des retours de flammes à l’échappement et déclenchent des incendies au niveau des carters qui comprennent un fort taux de magnésium, sans parler des vibrations destructrices. Et pour couronner le tout, les versions modernisées du R-2600 ont la priorité, ce qui fait que les ingénieurs ne peuvent pas passer assez de temps sur le R-3350. Le développement du bloc est long et hasardeux, et ce n’est que le début…

Antony Angrand.

Dans notre précédent article sur les moteurs, nous nous sommes arrêtés sur les rares moteurs en ligne et en V équipant les forces aériennes américaines. Nous allons revenir sur les moteurs en étoile ou radiaux pour mieux expliquer l’impact qu’ils eurent à l’échelle mondiale, notamment chez les deux motoristes américains Wright et Pratt & Whitney.

 

Wright aussi bien que Pratt & Whitney virent leurs moteurs se vendre dans 66 pays différents, employés par les 3/4 des compagnies aériennes et furent produits sous licence dans 22 pays. Cet domination avait été obtenue par le biais d’une recherche perpétuelle de développement de leurs blocs, non seulement en termes de puissance mais également de fiabilité. Au niveau des compagnies aériennes, hier comme aujourd’hui, ce qui intéresse le plus les dirigeants concerne le nombre d’heures de vol effectuées, autrement dit plus le temps d’immobilisation en séquence de maintenance est court et plus l’avion est rentable. Il y avait donc tout intérêt à pouvoir garantir une maintenance de plus en plus espacée au fil du temps et des heures de vol, avec une fiabilité prouvée. Ces objectifs furent remportés par les deux motoristes.

Vue en coupe d'un P&W R-1830.

Au commencement de la seconde guerre mondiale, Wright aussi bien que Pratt & Whitney commençaient à produire des blocs en double étoile d’une puissance avoisinant les 2 200 ch, laquelle n’était pas encore obtenue dans les autres pays qu’ils aient été alliés ou ennemis, grâce aux compresseurs et turbocompresseurs. Mais les moteurs les plus employés furent paradoxalement les Wright R-1820 Cyclone et les P&W R-1830 Twin Wasp (bloc équipant le Catalina) tous deux disponibles à des puissances allant jusqu’à 1 200 ch. Au cours de la seconde guerre mondiale, la production de ces moteurs atteignit des sommets jusqu’alors inconnus, notamment pour le P&W R-1830 qui fut construit à… 173 618 exemplaires, dont une bonne quantité fut employée sur les C-47 puis, en version turbocompressée, sur le B-24 Liberator. Sur ce dernier, les capotages moteurs avaient un dessin plutôt surprenant -de forme ovale- en raison de la tuyauterie liée au turbocompresseur et à l’échangeur air/air. Si les Twin Wasp étaient familiers, l’avion était en revanche d’une certaine complexité et la gestion des moteurs passait par la lecture et le contrôle de 60 voyants et cadrans et environ une vingtaine de leviers et poignées.

Le panneau de contrôle des moteurs et de leur puissance sur un DC-7, surveillé par le mécanicien-navigant. Plus que le pilote, le mécanicien donnait la puissance nécessaire en temps voulu.

Curieusement, avant-guerre, les moteurs en double étoile américains de grande puissance n’avaient été que peu ou pas employés. Pourtant le Wright R-2600 (qui fut installé sur le B-25 Mitchell) équipait les hydravions Boeing 314 et 314A, les premiers appareils d’une génération d’avions appelés à devenir de plus en plus complexes, aux commandes desquelles les aviateurs devaient avoir une connaissance étendue du système de propulsion, ce qui devait conduire au fil du temps à l’attribution d’un poste de mécanicien volant. Sur les appareils équipés des derniers moteurs à pistons de grande puissance, tels le Hughes H-4, le Martin Mars ou encore le Douglas DC-7 et le Lockheed Constellation et Super Constellation, ces navigants avaient devant eux de véritables pupitres imposants et géraient la puissance moteur sur demande du pilote. Mais revenons-en à nos hydravions. Ces hydravions Boeing 314, en dépit des blocs en double étoile étaient sous-motorisés, avait un taux de montée très faible et souffraient de surchauffe quasi perpétuelle. Pan-American, avec Juan Trippe en tête suivi de son conseiller technique Charles Lindbergh et de son équipe d’ingénieurs ne furent pas long à comprendre qu’une puissance supérieure pouvait être obtenue en augmentant le rapport volumétrique, ce qui permettrait également de réduire la consommation de carburant. Pour ce faire, il fallait également employer un taux d’octane supérieur, ce qui imposait le remplacement de tous les R-2600 par une version améliorée.

Le Boeing 314 fut l'appareil qui permit à la Pan-Am d'accroître son vaste réseau cette fois-ci dans le Pacifique. Mais l'appareil était sous-motorisé, peinait à prendre de l'altitude et ses moteurs surchauffaient régulièrement.

Paradoxalement, aucun motoriste ne s’était lancé dans des recherches sur l’injection aux États-Unis. Du moins, Wright aussi bien que P&W avaient suggéré cette idée aux militaires juste après la première  guerre mondiale, mais ces derniers n’y virent strictement aucun intérêt. Aussi lorsque la seconde guerre mondiale éclata, aucun moteur américain ne disposait de l’injection. Seule la TWA s’y était intéressée à la fin des années 1930, en 1936 exactement, en testant en vol un Northrop Gamma motorisé par un Cyclone doté d’une injection mécanique Bendix.

Un Northrop Gamma tel que celui qui fut testé en vol par la TWA avec un système d'injection mécanique. Le pilote ici n'est pas nimporte qui, puisqu'il s'agit d'Howard Hughes, qui emprunta le Gamma de Jacqueline Cochran, lequel était motorisé à la base par un Curtiss Conqueror. Jackie fit installer un P&W Twin Wasp Junior, que Hughes lorsqu'il lui emprunta l'avion, fit remplacer par un Wright SGR-1820 Cyclone.

 

En 1939 les militaires américains réalisèrent que 95 % des moteurs équipant les appareils de la Luftwaffe étaient équipés d’une injection, en conséquence de quoi un budget fut alloué pour des recherches dans ce domaine. Ce fut Wright le premier qui testa ce dispositif sur le plus gros bloc en double étoile alors en essais, le R-3350 Duplex Cyclone, dérivé du R-1820, lequel était contemporain au P&W R-1830. Le R-3350 était destiné à équiper le B-29, puis les A-1, CL-28 et autres P-2 Neptune, mais sa mise au point fut longue et non exempte de problèmes. Je vous en parlerai dans un prochain article.

Antony Angrand.

Publié par : PBY-Catalina | 23/10/2010

La Bataille de l’Atlantique (6)

Avant de nous porter sur le témoignage d’un pilote du Coastal Command, voici un petit résumé de la situation tactique à l’été 1940, qui vous permettra de comprendre quels étaient les objectifs côté allemand de la Bataille de l’Atlantique et de prendre connaissance de certaines données et statistiques.

Lorsque la guerre éclata en Europe, la Kriegsmarine avait pour plan d’appliquer les mêmes tactiques qui avaient été employées contre elle et l’Allemagne au cours de la première guerre mondiale. En 1914-1918, les alliés et notamment les Britanniques étaient parvenus à dresser un blocus dont les conséquences sur la populace allemande -et par effet ricochet sur les prisonniers de guerre détenus en Allemagne- furent terribles. Doenitz, ancien sous-marinier qui avait participé à la première guerre mondiale, avait développé et perfectionné l’arme sous-marine dans les années qui précédèrent le deuxième conflit mondial. Dès septembre 1939, dans un premier temps, Français et Britanniques tentèrent de restreindre le trafic maritime à destination de l’Allemagne en minant les voies stratégiques et les côtes de Norvège, autrement dit la route de l’acier à destination du bassin industriel de la Rhur (1)

Les Allemands répondent en déployant leur flotte de sous-marins. En septembre 1939, à l’exception de deux bâtiments dans l’Atlantique, la marine allemande devait se contenter d’opérer à quelques centaines de kilomètres des côtes britanniques, dans la une zone  des « approches occidentales ». La mer du Nord et la Manche était approximativement les limites d’opération des U-Boot. Le gros des bâtiments alliés visés était ainsi dans ces zones maritimes.

Karl Doenitz ou l'architecte de la flotte sous-marine allemande, qui fut à la base de la perte de quantité de navires de la marine marchande alliée. Vétéran de la première guerre mondiale, il avait servi sur un des premiers sous-marins allemands avant d'être fait prisonnier.

Avec invasion allemande de la Norvège et plus tard de la France en juillet 1940, la nature de la guerre sous-marine dans l’Atlantique changea du tout au tout. En juillet 1940 la première base d’U-Boot à Lorient, en France, devint opérationnelle. La route des sous-marins allemands jusqu’à leur zone de patrouille fut immédiatement réduite de quelques 750 km. Un plus grand nombre d’U-Boot pouvaient ainsi patrouiller pendant de plus longues périodes et chasser les cargos à destination de la Grande-Bretagne ou à destination des États-Unis. 25 sous-marins allemands avaient été perdus depuis le début de la guerre, mais Doenitz avait accru leur production. Et en dépit des pertes, 51 d’entre eux étaient désormais en service. Juillet 1940 signa le réel début de la Bataille d’Angleterre (qui commença en fait en juin 1940 dès la France défaite). La RAF parvint à juguler la menace d’invasion et l’obstination des pilotes paya, mais, tapie dans l’ombre, une autre menace guettait le Royaume-Uni.

Au cours des premiers mois de guerre, les U-Boot furent déployés dans la Manche et la mer du Nord. Bien que limités en termes de rayon d'action, ces bâtiments représentaient déjà une menace pour quantité de cargos alliés, tel celui-ci, touché par une torpille. La capture des ports de Lorient, Brest et La Pallice donna 750 km d'autonomie supplémentaire aux U-Boot, laquelle pouvait être allongée par ravitaillement.

Puisque la Grande-Bretagne n’avait pu être vaincue et conquise au travers de la Bataille d’Angleterre, il fallait imaginer une autre stratégie pour la faire tomber tel un fruit mûr, une stratégie d’usure que les sous-marins de la Kriegsmarine pouvaient appliquer sans grandes craintes. D’après les calculs effectués par les stratèges allemands, si 750 000 t de navires de transports alliés, pour la plupart britanniques, pouvaient être coulés chaque mois en l’espace d’un an, le Royaume-Uni serait contraint à la reddition en raison de l’inévitable famine qui en résulterait. Bien que nation insulaire, comme nous l’avons vu, la Grande-Bretagne n’avait déployé que peu de moyens pour se doter d’appareils de patrouille maritime appropriés. En ce qui concernait les appareils à long rayon d’action, le haut commandement de la RAF avait donné la priorité maximale au Bomber Command, pensant que le conflit serait avant tout une affaire stratégique ou les cibles les plus importantes n’étaient autres que les industries de guerre sur le sol allemand.

 

Deux U-Boot de type VIIC, modèle le plus répandu au sein de la flotte sous-marine allemande et qui fut la cheville ouvrière de la bataille de l'Atlantique.

L’Allemagne avait débuté la guerre avec 57 sous-marins. Les stratèges de la marine allemande déterminèrent que 350 U-Boot étaient requis pour atteindre le nombre de bâtiments de transport alliés coulés, nécessaires pour mettre le Royaume-Uni à genoux. Avec l’aide du minage de certaines zones et le support de la flotte de surface, l’objectif pourrait être atteint. Contre cette flotte, la Grande-Bretagne pouvait opposer 12 cuirassés et croiseurs de bataille, 6 porte-avions, 58 croiseurs et plus de 200 destroyers et destroyers d’escorte avec des capacités anti-sous-marines ainsi que 69 sous-marins… Et les appareils du Coastal Command. Mais, en comparaison aux immenses étendues océaniques et maritimes qui allaient servir de théâtre d’opérations de cette bataille, ces effectifs alliés n’étaient pas à la hauteur, sans parler de l’emploi de ces navires dans d’autres zones de conflit qui réduisirent d’autant la capacité de riposte des bâtiments face aux U-Boot.

Un Focke-Wulf 200 Condor tel qu'il était employé au sein du KG 40. Ces appareils à long rayon d'action coulèrent des dizaines de navires marchands alliés dans l'Atlantique jusqu'en 1943, moment ou la bataille évolua en faveur des alliés. Conçu à la base comme avion de transport long-courrier, cet appareil excella dans les tâches de patrouilleur maritime et bombardier.

 

En plus de ces derniers, les Allemands disposaient d’hydravions Dornier Do-18 et Heinkel He-115, adaptés aux opérations le long des côtes occidentales d’Europe, de la mer du Nord et du golfe de Gascogne. Les longs vols au-dessus de l’Atlantique étaient le domaine de prédilection du quadrimoteur Focke-Wulf FW-200 Condor. En août 1940, soit un mois après l’installation des sous-marins de la Kriegsmarine à Lorient, le KG 40 débuta ses opérations à partir d’un aérodrome à proximité de Bordeaux. Son premier rôle reposait sur la reconnaissance, l’identification des positions et directions des convois alliés, avant leur attaque et leur bombardement. Entre août et septembre 1940, les 15 appareils du KG 40 furent responsables de la perte de 90 000 t de bateaux de transports alliés et ce n’était qu’un début car le pire était à venir.

(1) Ce qui conduira par la suite aux opérations en Norvège et à la bataille de Narvik. La Norvège permet alors de faire transiter le minerai de fer de Suède en Allemagne, lequel est indispensable à l’effort de guerre allemand. Aussi dès que la guerre est déclenchée, les franco-britanniques pensent pouvoir étouffer tout bellicisme germanique en bloquant la « route du fer ». Malheureusement les Allemands furent à la fois rapides et efficaces, après avoir conquis le Danemark qui n’opposa qu’une faible résistance, les forces d’Hitler prirent la Norvège. S’en suivit une bataille navale et terrestre -la Kriegsmarine encaissant de lourdes pertes- pour rien ou presque, puisque le déclenchement des hostilités au Sud-Ouest (Hollande, Belgique et France) fit alors considérer la route du fer comme un objectif qui n’était plus d’actualité.

Antony Angrand.

Publié par : PBY-Catalina | 22/10/2010

La Bataille de l’Atlantique (5)

Avant de poursuivre notre histoire de la lutte anti sous-marine pendant la seconde guerre mondiale et la course à la technologie qui y fut liée, nous allons faire deux détours sur ce que l’on pourrait appeler le facteur humain. Honneur aux vaincus, à savoir les sous-mariniers pour commencer. Plusieurs pilotes ou membres d’équipage se sont fréquemment demandé au cours de leurs vols ou après leurs vols quelles étaient les sensations que l’on pouvait éprouver dans un environnement aussi confiné que celui d’un sous-marin comme ceux qui équipaient la Kriegsmarine de Doenitz. Rares furent les aviateurs qui eurent la chance de constater de visu ce qu’il en était, à l’exception du Wing Commander (lieutenant-colonel) J. Romanes, qui fut basé à Cornwall dans une des escadrilles du Coastal Command et qui eut l’occasion de visiter un sous-marin de la Royal Navy. Quelques détails diffèrent des sous-marins allemands (la présence de hamacs notamment) mais beaucoup de points sont communs. Voici son témoignage.

« Ce qui est probablement le plus dur à supporter c’est le manque d’espace pour vivre et respirer. Le sous-marin fait environ 60 m de long, avec un diamètre intérieur maximal de 4,5 m et sa coque étanche est de section presque circulaire. La moitié de l’espace à bord est occupé par deux grosses batteries, six réservoirs principaux de ballast, deux réservoirs servant aux plongées rapides et quantité d’autres réservoirs pour l’équilibrage, l’eau potable, le carburant. Un tiers de l’espace restant est occupé par les moteurs Diesel et électriques. Un quart de l’espace restant par la chambre des torpilles et les accessoires qui y sont liés. Cela ne laisse au final que bien peu d’espace dans lequel sont logés la passerelle, les quartiers des officiers, ceux des équipages, ceux des maîtres et les sanitaires. L’espace au-dessus de la tête est restreint par quantité de tuyauteries qui vont jusqu’aux réservoirs de ballast avec des conduites d’air haute et basse pression, les valves qui vont avec, lesquelles fonctionnent par énergie hydraulique ou sont fermées ou ouvertes à la main. Sans parler de l’équipement complémentaire, fils électriques et quantité d’autres systèmes.

Un sous-marinier dans son environnement confiné, avec quantité de vannes et commandes au-dessus de sa tête. La barbe n'est pas une coquetterie, se laver ou se raser sur un U-Boot était, comme sur les sous-marins alliés, un privilège.

La passerelle comprend la cabine radio, l’asdic, l’hydrophone, les barres du bâtiment ainsi que dix hommes formant la veille. Juste à côté, les quartiers ou vivent et dorment les quatre officiers sont de dimensions plus que réduites.  2,50 x 1,80 m environ, tandis que 20 hommes d’équipage dorment dans un espace de 10 m de long par 3 de large. Leurs hamacs semblent remplir tout l’espace disponible et traverser ce compartiment est un jeu digne d’un acrobate. Surtout si l’on tient compte du fait que le sous-marin est toujours en mouvement. Il tangue, plonge, fait surface… Il n’est pas rare lorsqu’un officier dort dans sa couchette d’être projeté en-dehors et de finir sur le plancher. De plus, ce même plancher et le pont sont maculés de mazout à tel point que même par mer calme, il est difficile de rester sur ses jambes.

Une torpille est maniée entre les couchettes de l'équipage sur un U-Boot. Comme on peut le voir, l'espace restreint ne facilite guère les manoeuvres.

En principe, le sous-marin reste immergé toute la durée du jour, ce qui veut dire environ 16 heures, de six heures du matin jusqu’à dix heures du soir. Pendant ce temps là, l’équipage de 40 hommes utilise jusqu’à la dernière goulée d’oxygène de l’air pris au piège dans la coque étanche. Il ne faut que peu de temps avant que les effets de la privation d’oxygène se manifestent. Il devient de plus en plus difficile de se mouvoir et la lecture d’un livre se complique amplement. On se retrouve à lire et relire plusieurs fois de suite la même ligne, la même phrase. Les effets sont similaires en tous points à ceux d’un vol effectué à haute altitude sans l’apport d’un masque à oxygène. Pour éviter de polluer l’air plus qu’il ne l’est déjà, fumer et cuisiner sont interdits. Les toilettes ne sont utilisées qu’avec parcimonie, car la chasse d’eau utilise de l’air sous pression, et lorsqu’elle est déclenchée, une bulle remonte à la surface laquelle peut être vue.

Les toilettes d'un sous-marin et leur environnement de tuyauteries haute et basse pression. Il fallait faire attention en actionnant la chasse et suivre une procédure déterminée, sans quoi le marin risquait de se retrouver aspergé du contenu reposant dans la cuvette.

Les odeurs sont impossibles à empêcher. L’équipage, les moteurs, le mazout et les batteries apportent chacun leur contribution. Lorsque le sous-marin fait surface, l’air frais prend alors alors un goût horrible comme de reste la première cigarette qui vous dégoûte. De plus, lorsque le navire est immergé, une poudre est pulvérisée au sol pour absorber une certaine partie du dioxyde de carbone, mais elle ne réussit qu’à faire tousser violemment les marins. La buée se condense sur les parois du sous-marin et après quelques jours en mer, des gouttes d’eau tombent partout dans le bâtiment, ce qui est aussi énervant que pénible, car toutes les couvertures de chaque couchette sont alors trempées ».

Antony Angrand.

"Quelqu'un a parlé, ... ne parlez pas des mouvements des bateaux ... ne parlez pas de la production de guerre, taisez-vous !". Ce genre d'affiche fut placardée dans les ports civils et militaires par crainte des U-Boot et des informateurs potentiels. Au moins quatre ou cinq marins ou citoyens britanniques furent condamnés à la pendaison pour avoir indiqué le départ d'un convoi ou d'un groupe de bâtiments à un espion agissant pour le compte des Allemands.

Publié par : PBY-Catalina | 22/10/2010

Sauver des vies -Search and Rescue (5)

Nous avons laissé Jack Foss en plein océan atlantique, affamé mais surtout assoiffé. La situation est de pire en pire : ce qui reste de l’équipage (deux hommes sont morts après avoir bu de l’eau de mer, ne supportant plus la soif qui les tenaillaient) lutte désespérément pour leur survie et les chances semblent de plus en plus maigres. Les rations sont réduites à une tablette Horlicks par jour et par aviateur…

Tôt le lendemain matin, au sixième jour passé sur l’océan, deux hydravions Sunderland survolèrent les survivants, lesquels étaient en bien trop mauvais état physique pour se lever et manifester leur présence. Les quadrimoteurs larguèrent des équipements de survie et autres rations, mais seuls quelques uns furent récupérés car les aviateurs étaient à bout de force pour tout collecter. Un kit de premier secours était compris dans le lot, suspendu au bout d’un parachute, mais en dépit des efforts réunis des cinq naufragés, il ne put être ramené à bord du canot gonflable, car son poids était trop lourd. Les suspentes du parachute furent coupées et la canopée offrit alors une protection relative contre le vent. Dans un des paquets se trouvait des signaux de détresse, ce qui rassura les aviateurs car cela leur permettrait de garder le contact au cas ou ils seraient à nouveau survolés de nuit.

"Maintenant votre premier travail, sergent, sera de bâtir un mess des officiers". Ce cartoon publié dans une des revues distribuées au sein des escadrilles du Coastal Command de la RAF tentait de prendre avec humour une situation qui ne l'était absolument pas pour les équipages. Encore moins pour ceux du Coastal Command, appelés à de longues patrouilles au-dessus des océans et de ce fait n'ayant que de maigres chances d'être secourus rapidement en cas de problème ou d'amerrissage forcé.

Puis la situation des naufragés se compliqua car le canot gonflable fuyait et il leur fallut désormais regonfler régulièrement leur radeau. Leurs dernières forces furent ainsi consommées, mais l’espoir d’être secourus désormais rapidement leur permit de rester en vie. Cette nuit là, des hydravions Catalina revinrent et les aviateurs s’étant préparés, ils signalèrent leur position grâce aux signaux de détresse, jusqu’à ce que les machines ne rentrent à leur base.

Jack Foss ne précise pas à quelle escadrille étaient rattachés les PBY Catalina qui survolèrent les naufragés. Les appareils appartenaient très probablement à une escadrille canadienne, tel cet appareil que l'on voit évoluer au-dessus de la surface de l'océan.

Le lendemain matin, l’un des naufragés fut pris d’une crise de délire et après avoir essayé de mordre chacun des autres pendant plus d’une demi-heure, il s’effondra sur le plancher du radeau. Il avait tenté de mordre la veine jugulaire de Bill, pour lui en sucer le sang. Épuisés après avoir lutté pour contenir les accès de folie de leur camarade, les aviateurs qui n’étaient désormais plus que quatre s’effondrèrent à leur tour dans le fond du canot pour reprendre leur souffle. Environ une heure plus tard, deux Sunderland les survolèrent, le premier faisait des cercles tout autour du radeau et l’autre se dirigeait dans une direction pour en revenir et répéter la manœuvre plusieurs fois de suite. Le sauvetage n’était désormais plus qu’une question de minutes. « Nous avions franchi nos dernières limites à tel point que peu nous inquiétait alors de savoir si une opération de récupération allait être entreprise. Cela n’avait plus d’importance. Nous nous sommes mis d’accord pour gonfler une dernière fois le canot et si nous n’étions pas secourus au moment où il se dégonflerait, nous coulerions avec puisque notre volonté, notre envie de survivre nous avait quittés depuis longtemps déjà », commenta Foss.

 

Le HMS Wildgoose tel qu'il opérait en 1943. C'est ce navire de la Royal Navy qui sauva Jack Foss et les membres de l'équipage rescapés, après avoir dérivé sur plus de 900 km dans l'océan atlantique. Sur les 9 aviateurs partis patrouiller le golfe de Gascogne, 6 périrent ou furent victimes des suites de leur naufrage. Quand à Jack Foss, réaffecté par la suite en Grande-Bretagne, il fut porté disparu quelques mois plus tard avec son nouvel équipage, à la suite d'une mission à la veille du débarquement dont il ne revint pas.

Heureusement pour les aviateurs, à peu près 12 minutes suite à cette décision, un bâtiment de la Royal Navy, le HMS Wildgoose apparut à l’horizon. Au lieu de se réjouir ou de crier de joie, les survivants restèrent assis en pleurant jusqu’à ce qu’ils soient à bord du navire. Ils furent alors emmenés dans le carré des officiers et reçurent chacun une tasse de café chaud, qu’ils burent comme s’il s’agissait d’un élixir de jouvence. Le médecin de bord s’occupa ensuite d’eux, Foss se retrouva dans une cabine car il n’y avait plus de place dans l’infirmerie. Plus tard, lorsque la nuit fut tombée, un autre des naufragés mourut, puis ce fut au tour de Bill. Foss ne fut averti qu’une semaine plus tard, car le personnel médical souhaitait qu’il ait retrouvé suffisamment de forces pour pouvoir affronter la nouvelle : « J’ai passé toute cette journée couché, pensant à eux, ce au travers de quoi ils étaient passés, combien ils avaient souffert avant d’être secourus et de se retrouver saufs à bord du bateau pour mourir après avoir enduré tout cela en vain ».

La Royal Navy les inhuma en mer. Des neuf aviateurs qui s’étaient envolés de Gibraltar sur le Liberator, seuls trois survécurent à la patrouille qu’ils avaient entamée et au long séjour qu’ils effectuèrent sur l’océan Atlantique, dérivant sur une distance de plus de 900 kilomètres, à environ 550 kilomètres des côtes portugaises. Foss ne survécut pas à la guerre. Affecté à une escadrille du Coastal Command dans le sud-ouest de la Grande-Bretagne en préparation du débarquement, il périt au cours d’une patrouille de nuit en mai 1944. Son appareil et les membres d’équipage qui l’accompagnaient disparurent sans laisser de trace, ni avoir lancé aucun signal de détresse…

Traduit et adapté par Antony Angrand.

Publié par : PBY-Catalina | 21/10/2010

La Bataille de l’Atlantique (4)

Nous avons vu qu’en parallèle de la version AI (Airborne Interception) du radar aéroporté, une version ASV (Air to Surface Vessel) fut développée. C’est sur cette version spécifique que nous allons aujourd’hui nous attarder, puisque le Catalina fut l’un des premiers hydravions à en être équipé. Mais l’histoire du radar ASV remonte à bien avant la mise en service du Cat’ au sein du Coastal Command. Elle débute avant-guerre, précisément…

 

Edward « Taffy » Bowen avait donc lancé en parallèle le développement du radar ASV et avait travaillé sur cette version spécifique presque en même temps que la version AI. En fait, si le AI fut le premier radar aéroporté, il apparut rapidement qu’une version « marine » pouvait être développée au bénéfice du Coastal Command comme de la Fleet Air Arm -l’aéronavale britannique-. Cela permettrait la localisation et le suivi des bâtiments de surface quelles qu’aient été les conditions météorologiques. Pour la version ASV, les premiers essais furent effectués à partir de juillet 1937 lorsque le prototype du dispositif fut installé sur un Avro Anson. Bien que de très faible puissance -100 Watts-, le premier essai en vol qui se tient le 4 septembre 1937 par un temps exécrable permit de localiser un porte-avions bien que l’Anson soit dans une épaisse couche nuageuse et même quelques jours plus tard des appareils décollant du pont d’envol. Mais le système était loin d’être au point pour une utilisation opérationnelle, sans parler des réticences de la part des aviateurs, qui craignaient que le radar ne génère des étincelles et déclenche un incendie, mettant le feu à l’appareil. Bowen et son groupe furent également confrontés à toutes les tracasseries administratives possibles ainsi qu’à un manque total de soutien financier.

Les premiers essais de radar ASV furent effectués sur un Avro Anson, lequel permit en 1937 de détecter, par un temps exécrable, un porte-avions puis des appareils (probablement des Fairey Swordfish) décoller du pont de ce même navire. Les résultats étaient prometteurs, mais les recherches furent momentanénement stoppées au bénéfice de celles portant sur le radar AI, considéré comme de plus grande importance. Toutefois les retombées des développements du AI servirent énormément à l'ASV.

 

La raison exacte de ce manque de soutien repose sur les tensions internationales qui s’accrurent en 1938. La priorité fut dès lors donnée à la détection et à l’interception d’avions ennemis, aussi les recherches se portant sur la version ASV furent temporairement mises en sommeil. Cependant, les travaux menés sur la version AI furent d’un très grand bénéfice pour l’ASV et évitèrent une perte de temps à un moment crucial. Malgré tout, les  essais de l’ASV reprirent en décembre 1939, ayant cette fois-ci pour objectif des essais de détection de sous-marins. Les premiers résultats furent décevants : la portée était courte et l’écho ne permettait de distinguer qu’avec difficulté la surface de la mer d’un sous-marin en surface. Des améliorations devaient être en conséquence portées au dispositif.

Un Short Sunderland équipé d'un ASV postérieur aux versions Mk I et II, identifiable aux antennes sur le dos et les côtés du fuselage. Elles ne diffèrent en rien de celles des premiers modèles d'ASV, les antennes sur les côtés sont réceptrices tandis que celles sur le dessus servent au balayage -et donc emettrices-.

En juillet 1940, douze Lockheed Hudson furent équipés de l’ASV, considéré alors comme une mesure intérimaire faute de disposer d’un meilleur équipement. 200 d’entre-eux furent produits et à la fin 1940, l’ASV Mk I équipait 24 Lockheed Hudson et 25 Short Sunderland. Le système n’avait pas été testé en conditions opérationnelles en juillet 1940 et lorsqu’il fut utilisé, il servit principalement à localiser les convois et les côtes, soit plus à des fins de navigation qu’autre chose. Le 19 novembre 1940, le premier sous-marin fut détecté par un radar ASV, à une distance de 8 km et sept jours plus tard, un Whitley équipé de ce système parvint à endommager l’U-71 dans le golfe de Gascogne. Mais cet appareil disposait de la version ASV Mk II, dite LRASV (Long Range ASV ou ASV à longue portée, version portant la capacité de détection à 58 km). Cette version de l’ASV, la Mk II, visant purement la détection sous-marine fut lancée début février 1940. Étant donné qu’il n’était question que de balayage de la surface des eaux, les techniciens se bornèrent dans un premier temps à installer des antennes latérales sur les appareils. Mais le manque d’aviateurs correctement formés à l’emploi de l’ASV handicapait le Coastal Command plus qu’autre chose, sans parler de la maintenance qui était un véritable cauchemar, puisque très peu de mécaniciens étaient capables d’entretenir et/ou réparer un tel dispositif. Bowen eut alors l’idée d’ajouter un système supplémentaire, permettant de guider l’appareil vers sa cible. De cette manière, l’opérateur pouvait passer du balayage à la localisation et ciblage du sous-marin pour l’attaquer. Bien que cet équipement parvint à une localisation des sous-marins, peu d’attaques furent réalisées de nuit, moment ou les sous-marins faisaient surface et mettaient en route leurs moteurs Diesel, afin de recharger leurs batteries de plongée… et au cours duquel ils étaient les plus vulnérables aux attaques des avions du Coastal Command. Mais les aviateurs britanniques avaient de grandes difficultés, en dépit de l’emploi de l’ASV, à attaquer les sous-marins.

Parade à l’ASV

Ces derniers avaient trouvé la parade efficace : l’ASV ne pouvait détecter un sous-marin qu’à partir d’une distance minimale, en dessous de laquelle aucun écho n’était renvoyé. Aussi, il suffisait aux sous-marins d’attendre que l’avion fut suffisamment proche avant de plonger et de disparaître à la fois de la surface et de l’écran radar de l’opérateur. La première mesure, totalement empirique, fut d’embarquer des fusées éclairantes qui étaient larguées au-dessus de la position supposée d’immersion du sous-marin. L’appareil devait alors effectuer une figure en trèfle pour essayer de distinguer le sous-marin, ou revenait sur la cible après avoir largué une bouée de signalisation, ce qui laissait dans un cas comme dans l’autre tout le temps nécessaire au bâtiment pour plonger à grande profondeur. Par la suite, des fusées éclairantes à déclenchement retardé, incorporées dans une bouée, furent mises au point. Mais le résultat était toujours équivalent : l’appareil devait au moins effectuer un virage pour revenir sur le lieu présumé de plongée du sous-marin, et comme les appareils du Coastal Command étaient au minimum bimoteurs et lourdement chargés de carburant et d’explosifs sans compter les autres systèmes, la manœuvre nécessitait de précieuses dizaines de secondes, mises à profit par le sous-marin pour s’échapper.

La phare Leigh tel qu'il fut installé sur quantité d'appareils, dont ce B-24 Liberator du Coastal Command. Les dimensions du phare étaient imposantes, comme on peut en juger en le comparant au mécanicien qui nettoie la coupole, mais son installation permit d'aider grandement à la localisation des sous-marins de la Kriegsmarine.

Ou un certain Wing Commander Leigh s’en mêle

Il en fut ainsi jusqu’à ce que le Wing Commander (lieutenant-colonel) Humphrey de Verd Leigh, un officier qui avait servi dans le RNAS (Royal Naval Air Service, l’un des deux corps d’armée avec le RFC qui fut à l’origine de la création de la RAF en 1918) en 1915 ne trouve la solution appropriée. Leigh, qui avait travaillé pour l’industrie cotonnière durant l’entre-deux guerres après avoir quitté la RAF en 1919, s’était aussitôt réengagé dès la déclaration de guerre en septembre 1939. Trop vieux pour reprendre les commandes d’un appareil, il avait été envoyé dans un service particulier du Coastal Command, baptisé Personnel staff & duties. Grosso-modo son travail consistait à faire la liaison entre les escadrilles et l’état-major, dans des domaines aussi divers que le renseignement, le déploiement des escadrilles, les problèmes rencontrés au cours des missions, etc. Leigh avait en conséquence l’habitude de discuter avec les équipages et la lutte anti sous-marine était alors devenue la priorité des priorités. Il était évident à ses yeux que les fusées éclairantes ne faisaient que compliquer une tâche qui avait été à la base simplifiée par le radar. Leigh en vint à la conclusion qu’un phare utilisé avec le radar ASV était la solution idéale : il permettrait de localiser le sous-marin avant que le radar ne soit à trop courte portée et ne perde la trace du bâtiment.

Un Vickers Wellington du Coastal Command, équipé à la fois d'un radar ASV (la gondole que l'on aperçoit sous le nez de l'appareil) et d'un phare Leigh rétractable que l'on ici en position sortie, sous le fuselage à l'arrière de la voilure.

Leigh et Turbinlite

Plutôt que de demander un apport de fonds, Leigh préféra développer son phare seul et en grand secret, à tel point que le Coastal Command n’était pas au courant de ses recherches et encore moins le ministère de l’air. Le phare en question avait une grande puissance d’éclairage mais ses dimensions étaient trop grandes au départ pour qu’il puisse être installé sous la voilure d’un Sunderland ou Liberator. Les premiers essais furent toutefois concluants, restait à « miniaturiser » l’ensemble. Lorsque Leigh présenta son dispositif au Maréchal de l’air Sir Frederick Bowhill, le grand patron du Coastal Command, ce dernier l’assura de son soutien total. En mars 1941, le phare fut installé sur un Vickers Welligton DWI (version spécifique du bimoteur de Barnes Wallis destinée au déminage) avec une tourelle rétractable. Les essais furent couronnés de succès… cependant le ministère de l’air, bien que trouvant le concept intéressant, préféra l’installation de Turbinlite. Soit un système similaire couplé avec un radar mais avec un éclairage moins puissant (en fait 10 fois moins puissant), l’ensemble ayant été testé avec l’aide d’un Douglas Havoc vers la fin du Blitz pour abattre les bombardiers allemands qui avaient pris Londres pour cible.

Le dispositif Turbinlite installé sur un Douglas Havoc, dans le nez de l'appareil, lequel était également équipé d'un radar AI. Le bimoteur était censé localiser le bombardier ennemi puis l'illuminer avec son phare afin que les chasseurs accompagnant le Havoc descendent le bombardier allemand. Le concept n'était pas mauvais, mais son application fut assez complexe et l'ensemble fut abandonné une fois le blitz terminé.

Les essais comparatifs démontrèrent que le phare Leigh était bien plus approprié que le système Turbinlite et dès la mi 1942, les appareils du Coastal Command furent modifiés afin de recevoir l’installation. A partir de juin 1942, le golfe de Gascogne devint le terrain de chasse préféré des avions britanniques qui en étaient équipés, s’acharnant à couler les U-Boot qui partaient ou revenaient d’une de leurs bases dans un port français. Et le 5 juillet 1942, un Wellington du 172e Squadron coula le U-502. Malheureusement pour les Britanniques, un Wellington équipé de l’ASV Mk I tomba entre les mains des allemands qui analysèrent l’équipement et trouvèrent la faille…

Antony Angrand.

 

Publié par : PBY-Catalina | 20/10/2010

La Bataille de l’Atlantique (3)

Une fois la menace d’invasion du Royaume-Uni passée, ce qui inquiète le plus Chruchill autant que les généraux et stratèges repose sur les sous-marins allemands. En effet, aussi aberrant que cela puisse paraître, jusqu’à la veille de la seconde guerre mondiale, rares ont été les personnes, qu’il s’agisse de politiciens, généraux, techniciens ou ingénieurs à songer à la puissance de nuisance des sous-marins et spécifiquement des sous-marins allemands. Comme nous l’avons vu, le Coastal Command dispose d’appareils de patrouille, de reconnaissance et de torpillage, mais aucun de ces moyens n’est véritablement efficace pour la lutte anti sous-marine et la véritable bataille qui s’annonce. Comme vous l’avez lu, deux moyens de lutte vont se révéler incontournables pour juguler les sous-marins : les avions de patrouille à long rayon d’action, dont nous parlerons dans un article à venir, et… le radar.

Entre ici, Watson-Watt !

La Grande-Bretagne a été une nation pionnière en matière de radar (acronyme de RAdio Detection And Ranging ou détection et estimation de la distance par (ondes) radio) avec Robert Watson-Watt, qui développa les stations Chain Home à la suite de la création du comité de modernisation de la défense aérienne du Royaume-Uni par le ministère de l’air, comité présidé par Sir Henry Tizard (qui fut président de la commission de recherche aéronautique durant la seconde guerre mondiale et qui est également connu en raison de la mission Tizard, qui permit de faire part aux États-Unis des dernières recherches technologiques britanniques, notamment le turboréacteur de Sir Frank Whittle). En 1933, Tizard et son comité ont la charge d’étudier quels seraient les moyens appropriés de défense du sol national britannique. Car jusqu’alors, la défense anti-aérienne repose sur les moyens employés jusqu’en… 1918, c’est-à-dire un réseau d’observateurs, de projecteurs de DCA et d’artillerie. Cela constitue une base, mais avec les progrès effectués durant l’entre-guerre par l’aéronautique, les avions sont capables de voler plus haut, plus vite et n’ont plus rien à voir avec les Zeppelins qui s’attaquèrent à Londres et aux autres villes britanniques entre 1915 et 1918. Plusieurs tentatives ou essais ont été effectués afin de parfaire le dispositif de défense (notamment en utilisant des miroirs acoustiques) mais chacune d’entre-elles s’est révélée inefficace ou inappropriée.  D’autre part, les aérodromes ou sont basés les escadrilles de chasse risquent de voir leurs appareils détruits avant même que l’alerte ait été sonnée. Il faut non seulement pouvoir compter le nombre ou les flottes de bombardiers qui attaquent mais également savoir d’où viennent-ils et dans quelle direction grossière se dirigent-ils.

Watson-Watt, le grand pionnier britannique du radar, dont la contribution à la Bataille d'Angleterre fut inestimable.

En février 1935, Watson-Watt envoie un mémorandum au ministère de l’air qui présente son invention, baptisé Detection and location of Aircraft by radio methods. Le concept retient l’attention des officiers supérieurs comme du comité Tizard, lesquels demandent aussitôt une démonstration. Watson Watt décide de disposer deux antennes qui permettent de repérer un avion plusieurs fois de suite. Suffisant pour convaincre le ministère de l’air, qui laisse Watson-Watt poursuivre ses essais et participe à son financement. En avril 1935, l’inventeur britannique dépose un brevet pour son invention, dont les capacités de détection ne cessent de croître. D’une trentaine de km au début, courant janvier 1936 le radar est capable de détecter un appareil à 100 km de distance. C’est plus qu’il n’en faut pour assurer la protection de la capitale et un plan est aussitôt dressé pour construire un barrage de stations radar.

La "Chain Home" ou ce qu'il en reste (en partie) aujourd'hui. Le réseau d'antennes disposé sur le sol britannique permit de détecter à temps les flottes de bombardiers de la Luftwaffe et de leur opposer Spitfires et Hurricanes en temps voulu.

Du radar à l’Ops Room

Mais lors des essais suivants qui sont effectués, Watson-Watt s’aperçoit qu’il manque un élément de taille dans le processus de détection : le passage de l’information, ce qui va le contraindre à revoir le dispositif en profondeur et aboutit à la création des Operation Rooms, salles ou sur une carte des opératrices identifient la position des appareils amis et ennemis et ou la liaison avec les différentes escadrilles de chasse est quasi-instantanée. S’y ajoute l’intégration d’un quartier-général de groupe dans chaque secteur de défense qui centralise les informations par région aérienne. C’est en grande partie grâce à ce système que la Bataille d’Angleterre fut gagnée.

Une des "Operation Room" de la RAF, en fait un véritable centre de concentration des informations sur la situation aérienne. Sur la carte au premier plan sont disposées les positions des chasseurs et bombardiers amis et ennemis, par les opératrices munies de rateaux et de rateliers qui indiquent les forces en présence. Derrière elles, en haut, les opérateurs munis de téléphones, qui avertissent les escadrilles et donnent l'ordre de décollage pour qu'elles interviennent par secteurs déterminés. Ce dispositif était dit "par paliers" car il offrait une riposte graduée et permit en conséquence d'économiser les avions aussi bien que les pilotes de la RAF.

Développement d’une version aéroportée

En 1937, le dispositif est testé de manière opérationnelle et les résultats sont suffisamment satisfaisants pour que le ministère de l’air décide la construction de stations radar supplémentaires. Lorsque la seconde guerre mondiale éclate, 19 stations sont implantées sur le sol britannique. Edward Bowen, l’un des techniciens de l’équipe de Watson-Watt, a été témoin des raids de Zeppelin sur Londres au cours de la première guerre mondiale. Il se rappelle que les dirigeables n’ont opéré que de nuit et que le premier d’entre eux n’a été abattu qu’après des efforts conséquents et un déploiement énorme d’hommes, de machines et de matériel. Guernica a été bombardée de jour, comme de reste les villes chinoises touchées par les bombardiers japonais, mais rien n’indique qu’il en sera toujours de même. Bowen se met alors en tête de concevoir une version aéroportée du radar, car si ceux de la Chain Home sont capables de détecter un appareil à 100 km de distance, ils restent relativement imprécis. Au cours du Blitz visant Londres durant l’année 1940-1941, les opérateurs radar britanniques ne pourront d’ailleurs donner que des indications générales de position de l’adversaire. Bowen analyse les différents paramètres et en déduit qu’il faut un système de détection qui puisse localiser à plus de 250 m tout bombardier.

Edward "Taffy" Bowen, le physicien qui fut à l'origine du radar aéroporté destiné à l'interception des bombardiers aussi bien qu'à la localisation des bâtiments de surface. Perspicace, il pressentit avant la seconde guerre mondiale la nécessité de disposer d'un système de détection aux dimensions réduites, pouvant être installé sur avion.

Seulement les dimensions de l’antenne et l’énergie électrique nécessaire imposent au début de couper la poire en deux. Autrement dit, lors des premiers essais en 1936, Bowen se sert au départ d’émetteurs au sol qui illuminent la cible, tandis que le récepteur est installé sur l’avion. La miniaturisation n’est pas encore passée, mais les progrès technologiques rapides permettent dès 1937 de disposer l’ensemble dans un seul et unique appareil. Deux ans plus tard, en mai 1939, un Fairey Battle est équipé du système, avec deux tubes cathodiques qui indiquent respectivement l’azimut et l’altitude de la cible. Il n’est pas encore question de production en série, les pièces sont réalisées artisanalement, la portée minimale de détection est de 270 m et la portée maximale limitée par la réception de l’écho. C’est ainsi qu’est expérimenté l’AI Radar Mk I, ou Airborne Interception, autrement dit radar interception aéroportée.

Les premiers écrans radar pour les versions aéroportées étaient sans fioritures et les indications fournies minimales. L'écho ne permettait de distinguer que l'altitude et le cap suivi par l'adversaire, d'une manière assez grossière. Toutefois, le AI Mk I fut employé avec plus ou moins de bonheur par les chasseurs de nuit de la RAF, vers la fin du Blitz.

Rapidement, les techniciens vont se lancer dans la production en petite série d’un modèle amélioré dit AI Mk II, le modèle qui est installé sur les chasseurs bimoteurs Bristol Blenheim et testé dès novembre 1939. Le récepteur est dérivé d’un des premiers tubes cathodiques de télévision, mais le système n’est pas vraiment apprécié des aviateurs : plutôt calamiteux, il est sensible aux variations de température et l’humidité, ce qui en fait un moyen de détection des bombardiers efficace uniquement lorsqu’il veut bien fonctionner !

AI et ASV

Mais, lorsque Bowen s’est lancé dans le radar aéroporté en 1937, il ne s’est pas uniquement focalisé sur une utilisation du radar à des fins uniques de détection des avions. En parallèle, il a également songé à une version spécifique à la détection des vaisseaux de surface, ce qui va conduire à une version ASV ou Air to Surface Vessel. Ce qui sera le sujet suivant !

Antony Angrand.

Publié par : PBY-Catalina | 19/10/2010

La Bataille de l’Atlantique (2)

Au début de la seconde guerre mondiale, Le Coastal Command ne bénéficie que d’un équipement réduit. La moitié de sa force est constituée d’Avro Anson, il n’y a en tout et pour tout que trois escadrilles d’appareils modernes, Short Sunderland et Lockheed Hudson, capables de remplir la mission de surveillance des côtes. Le Maréchal de l’Air Sir Frederick Bowhill voit la pression s’accentuer sur son corps d’armée dès la crise de Munich : le ministère de l’air, Sir Charles Portal, pressent une guerre longue et douloureuse dans laquelle le Coastal Command devra disposer de moyens appropriés. Seulement, comme nous l’avons vu précédemment, le corps des bombardiers et la chasse monopolisent les crédits et les chaînes de production…

Le maréchal de l'air Sir Frederick Bowhill, qui essuya les plâtres du Coastal Command au début du conflit. Tenace, déterminé, il fut à la base du développement du corps aérien qui assura en grande partie la survie de la Grande-Bretagne face aux sous-marins de Doenitz

La solution va venir d’abord des pays du Commonwealth, notamment l’Australie qui envoie une escadrille de Sunderland en décembre 1939. Mais cela ne suffit guère à élever le corps au statut opérationnel voulu par Portal : des escadrilles capables de voler 24 heures sur 24, pouvant assurer la couverture et la surveillance des eaux des îles britanniques. Puisque le  Bomber Command ne peut et ne veut donner des appareils, sur ordre du ministère de l’air, des escadrilles de Blenheim, quatre, sont prêtées au Coastal Command entre février et juin 1940. Toujours insuffisant, d’autant que juin 1940 signe la défaite française et que c’est désormais la Grande-Bretagne qui est directement visée… Et les convois qui circulent tout autour de l’Angleterre en priorité. Lesquels transportent armes et munitions, matières premières nécessaires à l’effort de guerre. Des Fairey Battle de l’escadrille 98 sont envoyés en renfort en attendant d’obtenir un effectif théorique supplémentaire de quinze escadrilles pour juin 1941. 281 appareils sont quotidiennement disponibles pour les opérations, soit le minimum vital exigible selon les savants calculs effectués par les stratèges du ministère de l’air. Ce n’est qu’un début, car le théâtre d’opérations croissant, les effectifs théoriques requis seront de plus en plus élevés. Avant guerre on estime ainsi à 281 appareils le minimum vital, en juillet 1941 il est porté à 612 mais ça ne suffit pas, car les estimations démontrent qu’avant la fin du conflit il en faudra plus de 800, avec des rôles aussi divers que variés : patrouille, patrouille à très long rayon d’action, reconnaissance, surveillance, lutte anti sous-marine, avions d’attaque, d’entraînement, de liaison…

Les équipages de Fairey Battle de l'AASF (Advanced Air Striking Force, force de frappe d'avant-garde) de la RAF en France, en mai et juin 1940, furent littéralement décimés. Le 11 mai 1940, lorsqu'ils attaquèrent les ponts sur le Canal Albert aux mains des allemands, 17 Battle furent perdus en une seule et unique journée... L'appareil vu ici est au couleurs des escadrilles d'entraînement canadiennes, jaune rayé de noir.

Couvrir les ports et routes de Mer du Nord

Pour le ministère de l’air avait-il estimé le total d’appareils nécessaires à 281 avant-guerre ? Dans le but d’assurer la protection des eaux nationales, mais cette estimation était totalement erronée et ne basait que dans le cas d’un conflit avec l’Allemagne ou la Grande-Bretagne serait seule face à son adversaire… et ne concernaient en (très) grande partie que la flotte de surface. Les stratèges n’étaient pas allés chercher trop loin, ces 281 appareils devaient essentiellement assurer la couverture des ports et routes de navigation vers la Mer du Nord. Malheureusement pour le Royaume-Uni, cette brillante théorie ne tenait pas compte du jeu des alliances internationales, c’est-à-dire de l’alliance avec la France, comme celle de l’Italie avec l’Allemagne. Et quelques mois après le début des hostilités, plus précisément en juin 1940, les données avaient complètement changé.

La Pallice, avec les abris conçus pour abriter les sous-marins de Doenitz, lesquels inquiétèrent Churchill au point qu'il devait dire après-guerre "la seule véritable peur que j'ai eue fut celle de la menace des sous-marins allemands"

Les Pays-Bas, la Belgique et la France avaient déposé les armes, sans parler de la Norvège et du Danemark. Une gigantesque étendue côtière, s’étalant du Golfe de Gascogne jusqu’au Cap Nord, était entre les mains des Allemands. Pire, l’Italie menaçait d’entrer en guerre aux côtés des nazis, tandis que le ministère de l’air se rendait désormais compte que la Mer d’Irlande, la zone des Féroés, sans parler de la zone d’approche occidentale (précisément ce que l’on appelle les « Western Approaches », autrement dit et grossièrement le front océanique Ouest de la Grande-Bretagne) avaient elles aussi besoin d’être patrouillées. Doenitz, avec la défaite française, s’était emparé des ports de Brest, Lorient et La Pallice qui allaient constituer les bases de ses sous-marins, ce qui augmentait ainsi leur rayon d’action et exposait directement non seulement le trafic maritime britannique mais aussi et surtout le ravitaillement même du Royaume-Uni. Jusqu’alors, les sous-marins allemands avaient été obligés de se contenter de passer par le Nord pour aller chasser dans la mer d’Irlande et au large de l’Irlande. Avec la défaite française, c’est tout l’océan atlantique qui devient ainsi leur terrain de chasse…

Mais il faut un peu de temps pour que Doenitz ne construise les énormes abris de ses sous-marins -encore visibles aujourd’hui dans les différents ports cités ci-dessus- ce qui permet au Coastal Command de chercher par tous les moyens possibles à se procurer des appareils supplémentaires, car ce qui prime dès la défaite française, c’est la défense du sol britannique. Étant donné que l’invasion de la Grande-Bretagne se fera majoritairement par la Manche, il est essentiel que les péniches, navires, cuirassés soient coulés ou mis hors d’état de nuire avant d’avoir atteint les côtes anglaises. En dehors des Sunderland, Hudson et Anson précédemment cités, le Coastal Command est également équipé de biplans vénérables. Des Vickers Vildebeest, des Supermarine Stranraer qui seront rapidement envoyés à la casse une fois le danger d’invasion passé, considérés comme totalement obsolètes. Le Blenheim se révèle totalement inapproprié -autonomie trop faible et charge de bombes trop légère-, le Blackburn Botha est également testé (l’appareil était issu d’un appel d’offres datant d’avant-guerre et spécifique au Coastal Command) mais c’est un appareil raté qui est incapable de remplir le rôle que l’on espère lui confier -la reconnaissance-. Seul un appareil est retenu dans le lot proposé, le Bristol Beaufort, qui se révélera relativement bon en qualité de torpilleur. Une fois la Bataille d’Angleterre gagnée et l’invasion considérée comme étant écartée, la menace réelle est désormais celle des sous-marins.

Le Blackburn Botha, un avion raté dont la carrière fut jalonnée de problèmes endémiques, conçu à la base au bénéfice du Coastal Command, lequel n'en équipa aucune escadrille du fait de ses performances médiocres.

Pas de moyens de détection et peu d’avions

Seulement, du fait de la réduction des crédits et de la monopolisation de la production et de la recherche au bénéfice des autres corps d’armée de la RAF, il n’existe pas de moyens de lutte anti sous-marine. Cette carence est soulignée du sang des marins du porte-avions HMS Courageous, qui a été coulé dans les eaux de Scapa-Flow, le Lorient britannique. Prien, le capitaine du U-47, est parvenu à s’approcher sans être détecté et a tiré ses torpilles avec la certitude de toucher sa cible. Du 1er au 18 septembre 1939, ce ne sont pas moins de 6 bâtiments alliés qui sont coulés par des U-Boot, le manque d’avions ne facilite en rien le repérage des sous-marins. Pire, la Royal Navy ne dispose pas de navires d’escorte en quantités suffisantes, les rares qu’elle possède n’ont pas l’autonomie requise. Côté Coastal Command, ce qu’il faut ce sont des avions à grand rayon d’action équipés d’un radar approprié, permettant de longues patrouilles océaniques et le repérage des sous-marins. Heureusement, si les moyens manquent au début du conflit, la Royal Navy et le Coastal Command travaillent main dans la main. La Bataille d’Angleterre est à peine terminée qu’un officier de liaison, le Captain Peyton-Ward, s’acharne à localiser les mouvements des sous-marins et à avertir Bowhill et toute son équipe. A défaut de pouvoir s’attaquer avec efficacité aux submersibles allemands, le Coastal Command sait au moins ce que représente cette menace et dresse un plan d’équipement et d’intervention adapté. Il va falloir rattraper les erreurs d’avant-guerre et cela ne va pas se faire sans pertes, aussi bien pour la Royal Navy, la marine marchande que la Grande-Bretagne. Quant au Coastal Command, les équipages sont dès lors soumis à de nombreuses heures de vol au-dessus d’océans et de mers hostiles, avec de faibles perspectives de s’en sortir si leur appareil est abattu…

Antony Angrand.

Publié par : PBY-Catalina | 17/10/2010

La bataille de l’Atlantique (1)

Lorsque la guerre éclate, le Coastal Command ou commandement côtier de la RAF est un des corps d’armée qui figure parmi les plus mal équipés. La Grande-Bretagne a beau être une île, seuls quelques secteurs sont patrouillés et couverts par les avions de surveillance maritime. En fait, le Coastal Command est véritablement le parent pauvre de la RAF, qui se retrouve tout en bas de l’échelle non seulement en termes budgétaires, mais également en termes d’équipements. Car le réarmement de la Grande-Bretagne, et plus spécifiquement de la RAF, n’a en grande majorité bénéficié qu’au Fighter Command (la chasse) qui a signé des contrats pour la production de Hawker Hurricane et Supermarine Spitfire, et au Bomber Command (les bombardiers), corps au sein duquel ont été mis en service les nouveaux bimoteurs Vickers Wellington, Handley-Page Hampden aux côtés du vénérable et déjà dépassé Armstrong-Withworth Whitley.

Le parent pauvre de la RAF

Le Bomber Command est bien le corps d’armée qui gène le plus le Coastal Command. Car selon les théories de Guilio Douhet, le bombardement stratégique doit permettre de venir à bout de l’adversaire en touchant le cœur même de sa production industrielle et en terrorisant la population. Exceptée la chasse, ce sont donc les bombardiers qui ont la priorité, à commencer par celle de la production mais aussi des missions. Ce qui fera dire aux pontes du Coastal Command que les barons du Bomber Command leur coupent tous les moyens : il n’est pas question d’équiper le Coastal Command d’appareils bimoteurs puis quadrimoteurs en les prélevant sur les chaînes de production du Bomber Command.

Aussi le Coastal Command ne bénéficie, le 1er septembre 1939, que d’un seul et unique appareil vraiment spécialisé dans la patrouille océanique, l’hydravion Short Sunderland, qui n’est pas amphibie mais qui a déjà largement fait ses preuves sous forme d’avion de transport au sein de la compagnie aérienne Imperial Airways. L’appareil a été largement exploité sur les lignes orientales d’Imperial, et Short Brothers, son constructeur établi à Belfast a également expérimenté le composite Mayo pour augmenter l’autonomie de l’Empire. Comme le Bristol Bleinhem qui dérive d’un appareil civil, le Sunderland est un dérivé direct du Short Empire. D’ailleurs la carence d’appareils fit que certains Short Empire furent transformés en Sunderland par conversion de guerre, avec un minimum d’équipement ajouté et un camouflage assorti des grandes cocardes de la RAF. Le Sunderland n’est pas suffisant, d’autant que Short Brothers peut difficilement augmenter les cadences de production de l’appareil : l’avionneur est en cours de finition des essais du quadrimoteur de bombardement Stirling -un bombardier plutôt médiocre mais qui donne l’avantage à la RAF de disposer de son premier quadrimoteur lourd- et le reste des constructeurs aéronautiques ont leurs chaînes qui fonctionnent à plein rendement.

Le Short Empire "Cairo" d'Imperial Airways, appareil qui servira à la conception du Short Sunderland.

Lockheed propose un appareil

La solution est donc de s’adresser outre-atlantique par le biais d’une commission d’achat -celle-là même qui va également acheter des Bell Airacobra, Brewster Buffalo qui affronteront les appareils japonais au-dessus de Singapour et des Curtiss P-40-, qui cherche un appareil bimoteur capable d’assister non pas le Suderland mais bien l’Avro Anson (voir ci-dessous). Il n’y a pas vraiment le choix question appareil de patrouille maritime qui puisse être produit dans des délais relativement courts. Lockheed et un de ses ingénieurs promis à un grand avenir, Clarence « Kelly » Johnson (père, entre autres, du SR-71 Blackbird), proposent une version spécifique de son bimoteur Modèle 14 Super Electra, appareil de transport commercial dérivé agrandi de l’appareil (Lockheed Modèle 10) avec lequel Amelia Aerhart et son navigateur Fred Noonan ont disparu sans laisser de traces. Le 10 décembre 1938, le Modèle 14, rebaptisé Hudson Mk I après modifications, effectue son baptême de l’air et il est aussitôt lancé en production. Les premières livraisons à la RAF interviennent en février 1939 et lorsque la seconde guerre mondiale éclate, le Hudson équipe le Coastal Command à raison de 78 appareils. Par la suite, le bimoteur se voit doté d’une énorme tourelle dorsale Boulton-Paul abritant deux mitrailleuses Browning de .303 (7,7 mm).

Un Lockheed Hudson en patrouille, équipé d'une tourelle Boulton-Paul dorsale.

En dehors du Sunderland et du Hudson, le Coastal Command est également équipé de la bête de somme de la RAF, l’Avro Anson (1). C’est un petit bimoteur de liaison de construction mixte en treillis tubulaire entoilé et bois, qui est également employé sous forme d’appareil d’écolage des pilotes de bombardiers. Ses caractéristiques et performances sont évidemment bien moindres que le Sunderland, mais il a au moins le mérite d’équiper le Coastal Command en grand nombre. A l’inverse du Sunderland et de l’Hudson, c’est un appareil de patrouille pure, qui ne dispose pas de capacité d’emport de bombes ou de charges de profondeur et encore moins d’appareillage de détection. Mais il est rustique, solide et fiable, sans parler de son aisance de pilotage. (2)

Le torpillage de l’Athenia réveille les consciences britanniques

En fait, la composition et le nombre d’appareils équipant le Coastal Command le 1er septembre 1939 sont conformes à l’idée que se font les stratèges de l’état-major du déroulement du conflit. S’agissant d’une guerre européenne, l’essentiel du conflit doit en toute logique se dérouler à terre. Personne n’a encore dans l’idée que la France va être défaite en l’espace de quelques semaines et que la Grande-Bretagne va se retrouver seule face à l’Allemagne nazie et à l’Italie fasciste pendant une très longue année, que le cordon ombilical que constitueront les convois de ravitaillement en partance des États-Unis à destination des ports britanniques maintiendront sous perfusion la population du Royaume-Uni sans parler de l’aide apportée en termes purement militaires. Pourtant l’avertissement est similaire à celui de la première guerre mondiale : en 1915, c’est le paquebot transatlantique Lusitania qui est coulé par un U-Boot, dont le naufrage fait scandale outre-atlantique en raison de la présence de passagers américains à bord. Le 3 septembre 1939, c’est le paquebot SS Athenia qui est touché par le sous-marin U-30 de Julius Lemp, lequel ne porte aucun secours aux naufragés. Heureusement, la mer est calme et le nombre de victimes réduit. Mais comme en 1915, des passagers américains figurent à la fois parmi les victimes et les naufragés, ce qui pousse Hitler à ordonner à l’équipage de Lemp de ne rien raconter à qui que ce soit du torpillage du navire dans le but d’éviter une entrée en guerre des États-Unis, Roosevelt s’étant jusqu’alors prudemment écarté de toute politique d’intervention en Europe. Le carnet de bord du sous-marin est même falsifié pour l’occasion, tandis que Lemp n’est pas passé loin de se retrouver en cour martiale. Les nazis lancent au travers du ministère de la propagande de Goebbels une grande campagne, visant à démontrer que la Grande-Bretagne a elle même volontairement coulé l’Athenia, puis ils corrigent le tir en déclarant que le bateau a heurté une mine britannique qui n’avait rien à faire dans le secteur de navigation du paquebot.

Le SS Athenia, qui fut coulé le 3 septembre 1930 par Julius Lemp, commandant de bord du sous-marin U-30 de la Kriegsmarine.

La menace sous-marine inquiète de plus en plus

Quoi qu’il en soit, le torpillage du bâtiment inquiète fortement les responsables du Coastal Command. Car ils savent parfaitement que le rayon d’action de leurs appareils -et même celui du Short Sunderland- ne leur permet pas de patrouiller les immenses étendues d’eau de l’océan atlantique. Et si la flotte de surface de la Kriegsmarine, toutes proportions gardées- reste l’affaire de la Royal Navy, les sous-marins de Doenitz sont une toute autre affaire. D’abord parce qu’ils figurent en nombre au sein de la Kriegsmarine -leur coût de fabrication est bien inférieur à n’importe quel cuirassé tel que le Bismarck ou le Tirpitz, autrement dit pour le coût d’un Bismarck la Kriegsmarine pourrait s’équiper de plus de 10 sous-marins supplémentaires-, ensuite parce que jusqu’alors les sous-marins allemands n’ont opéré que depuis leurs bases sur la Baltique. Leur autonomie ne leur permet pas d’effectuer de trop longues croisières dans l’Atlantique, mais rien ne dit qu’il en sera toujours ainsi. Les craintes des officiers supérieurs du Coastal Command vont se matérialiser à l’issue du Biltzkrieg : l’armée française est défaite, le corps expéditionnaire britannique rembarque vers la Grande-Bretagne dans le cadre de l’opération Dynamo sur les plages de Dunkerque et sous le feu et la grêle d’acier des forces allemandes. La défaite française va avoir des conséquences bien plus graves à court terme que ce que n’importe quel stratège britannique n’a pu prévoir. Car désormais, pour le Royaume-Uni, il est question de survie. Pourquoi et comment, c’est ce que nous verrons bientôt.

Antony Angrand.

(1) Aux appareils cités s’ajoutent également un certain nombre d’avions et hydravions totalement obsolètes : deux escadrilles de Vickers Vildebeest employés comme appareils d’attaque, une escadrille de Supermarine Stranraer et trois de Saro London, qui après la Bataille d’Angleterre et la menace de l’invasion passée seront ferraillés.

(2) Sur les dix escadrilles d’Avro Anson qui équipent le Coastal Command, quatre d’entre-elles sont dites « auxiliaries » c’est-à-dire qu’elles servent aussi bien à la patrouille qu’à des tâches telles que la liaison, le transport de personnel ou de pièces, etc.

Publié par : PBY-Catalina | 25/09/2009

Sauver des vies – Search and Rescue (4)

Jack Foss et ses camarades sont toujours dans la même situation désespérée. Et la situation devient de pire en pire sur le vaste océan et dans leur dinghy…

Mais cet avion était encore une fois trop loin pour que nous puissions reconnaître de quel type s’agissait-il. Alors nous avons cette fois-ci laisser passer l’appareil. Nous avons mangé nos tablettes Horlicks complétées de jus d’orange, puis nous nous sommes installés de la meilleure manière possible en prévision de l’horrible nuit qui allait suivre. Cette nuit là la mer fut démontée et ceux qui le purent essayèrent de maintenir le canot dans le sens des flots à l’aide de l’aviron trouvé sous le siège en caoutchouc. Une véritable torture, car il fallait s’asseoir face au vent et aux déferlantes et paquets de mer. Et lorsque la relève prenait le quart, celui qui venait de guider le dinghy pendant quelques temps était presque gelé.

Le lendemain matin, lorsqu’il fit suffisamment jour pour que l’on puisse distinguer quoi que ce soit, on prit soin de chacun d’entre nous. Tout le monde était bleu de froid et il était impossible de mouvoir nos jambes. Les pauvres Jimmy et Jack constatèrent que leurs blessures s’étaient infectées et étaient gangrenées. Cela les rendit à moitié hystériques et nous essayâmes de les calmer, en les rassurant avec des phrases telles que « nous allons être vus aujourd’hui ou demain » en leur donnant un morceau de chocolat sur les rations d’urgence. Je dois dire que dans la situation d’alors, ce carré de chocolat était un cadeau précieux bien plus apprécié que n’importe quel dîner cuisiné par une ménagère. Le seul fait de penser à un repas nous rendait presque fous. Notre moral était si bas à ce moment et nos nerfs tellement à vifs que nous en devînmes agressifs les uns par rapport aux autres. Nous regardions notre voisin avec des yeux noirs en lui disant « fais gaffe à mon pied » ou encore « attention à mon bras« . Je crois que si deux appareils n’étaient pas passés à 3 ou 4 miles de notre position, nous en serions venus aux poings. Ces avions ne nous aperçurent pas évidemment, mais ils eurent au moins l’avantage de nous redonner l’espoir. La plus petite chose que pouvait dire quelqu’un à son voisin devenait alors l’occasion d’une dispute immédiate. Toute cette journée se succédèrent escarmouches les unes après les autres et lorsque la nuit tomba nous étions tous  complètement épuisés, vidés de nos forces.

Le contenu d'une boîte dite "Emergency ration kit" et les fameuses tablettes Horlicks que l'équipage du Liberator eut pour toute nourriture durant leur séjour dans le dinghy.

Le contenu d'une boîte dite "Emergency ration kit" et les fameuses tablettes Horlicks que l'équipage du Liberator eut pour toute nourriture durant leur séjour dans le dinghy.

Cette nuit là fut comme les précédentes, une autre longue séance de torture. Le vent devenait de plus en plus froid car nous avions dérivé vers le nord. Dans un sens cela nous aidait car la probabilité de croiser des bateaux était augmentée. Mais les conditions étaient véritablement intenables en raison du froid atroce. Le vent, couplé avec le fait que nos capacités de résistance s’étaient amoindries, eut un effet drastique sur notre volonté de survivre.

Le lendemain matin, un des gars se mit à trembler. Jack et moi lui avons alors injecté une dose de morphine. Puis Jack essaya de le réchauffer, je crois que c’est la raison pour laquelle notre camarade resta en vie ce jour là. Mais cela voulait également dire que l’état de Jack empirait puisque de son côté il n’avait rien pour se tenir au chaud. Durant l’après-midi de cette journée, la chance fit son apparition. Enfin. Dick vit un hydravion Sunderland et nous agitâmes tous nos bras et mains ainsi que le drapeau du mieux que nous le pûmes. Lorsqu’il nous vit et modifia sa route vers nous, aucun d’entre nous ne put émettre un son. Nous avions tous une grosse boule dans la gorge et nous étions tellement heureux de savoir qu’enfin nous allions être sauvés que nous en pleurions presque. Nous avons essayé de signaler au pilote d’amerrir puisque la mer était correcte, il piqua et nous largua des tablettes Horlicks et de l’eau enserrés dans des Mae-West que nous récupérâmes après avoir pagayé frénétiquement. Lorsque nous récupérâmes l’eau, tout le monde devint à moitié fou. Au lieu de songer à économiser l’eau, nous avons avalé le contenu de cannette sur cannette jusqu’à ce que la douzaine d’entre-elles que nous possédions ne soit vidée. Juste après avoir largué l’eau, le Sunderland prit le cap retour car il ne devait plus avoir assez de carburant. Puis, la nuit, des Catalina vinrent avec des phares de recherche pour garder contact avec nous. Mais nous n’avions rien pour leur signaler notre présence en retour, et une des bouées éclairantes qu’ils larguèrent tomba juste à côté de nous. La flamme qu’elle dégageait était d’une hauteur de 1,80 mètres et nous dûmes nous en éloigner pour éviter de mettre feu au dinghy. Bien que les phares des hydravions nous illuminèrent plusieurs fois de suite, les équipages ne nous virent pas et peu avant minuit, les hydravions retournèrent d’où ils venaient.

Un hydravion Short Sunderland tel que celui qui survola Jack Foss et ses camarades, larguant eau et rations de survie enserrées dans des mae west.

Un hydravion Short Sunderland tel que celui qui survola Jack Foss et ses camarades, larguant eau et rations de survie enserrées dans des mae west.

Le jour suivant, l’aube ne sembla jamais se lever tandis que nous étions tous pressés de voir un appareil nous survoler, pour nous montrer qu’ils gardaient contact avec nous. Bien que nous gardâmes nos yeux écarquillés tout au long de la journée pour observer le ciel, nous ne vîmes aucun appareil et ce ne fut pas avant la fin de l’après-midi que tout espoir d’en revoir fut abandonné. Nous nous résignâmes à notre sort. Tard dans la journée nous essayâmes de pêcher à l’aide d’une épingle à cheveux et un bout de ficelle. Nous avions acheté les épingles à cheveux pour nos femmes à Gibraltar et nous servions de chewing-gum comme appât. Puis un morceau de chiffon fut disposé au bout et le poisson vint à la surface mais ne mordit jamais à l’hameçon. Si nous avions attrapé un poisson, il n’aurait pas été frit. A ce moment là, nous avions tellement faim que nous l’aurions avalé cru avec une délectation certaine. Quoi qu’il en soit il n’y avait aucune poêle dans le canot pour frire le poisson.

Après avoir abandonné nos tentatives de pêche, nous essayâmes alors d’assommer les mouettes qui volaient tout autour de nous, pleinement déterminés à les manger crues et à sucer leur sang. Il y en avait à peu près une douzaine, qui ne cessait de crier et de plonger vers le canot. On les attira du bout des doigts en les appelant « viens plus près ma jolie« , mais elles étaient bien trop rapides pour pouvoir être touchées d’un coup d’aviron et une fois de plus nous restâmes affamés, ne pouvant avaler qu’une seule et unique tablette Horlicks ce jour là. Tandis que la nuit vint, la soif se manifesta et fut combattue par tous les moyens possibles. Mais nous avons fini par boire de l’eau de mer comme de l’eau potable. Lorsque le premier d’entre nous se mit à en boire, on lui demanda en choeur d’arrêter immédiatement. « Tu vas devenir fou« . Il continua à boire et tout le monde se mit à l’imiter, ne pouvant plus endurer la soif intense qui nous travaillait. Je crois en fait que ce fut l’une des principales raisons qui accéléra sa mort, car juste aux alentours de minuit il décéda. Nous l’avons dévêtu, avons gardé ses effets personnels. Puis nous avons confié sa dépouille à l’océan. Jack prononça une petite prière pour lui, les autres se tinrent les yeux fermés et les mains jointes. Tôt le lendemain matin, Dick mourrut et la même cérémonie fut répétée. Je crois que ces deux prières furent les plus sincères que je n’ai jamais entendues, chaque mot étant considéré et lourd de sens, venant du plus profond de nos cœurs.

Traduction et adaptation Antony Angrand.

A suivre…

Publié par : PBY-Catalina | 21/09/2009

Sauver des vies – Search and Rescue (3)

Jack Foss, copilote sur un Liberator du Coastal Command de la RAF, continue la narration de la mission qui lui valut le surnom de miraculé. Le Liberator a été englouti par les flots, Foss et ses camarades sont sur un Dinghy, après avoir été abordés par un U-Boot, ils se retrouvent seuls sur l’océan…

Plus tard dans la soirée, nous avons comptabilisé ce que nous avions et ce que nous n’avions pas. Le décompte ne fut pas encourageant. Nous avions seulement deux petites gourdes d’eau, une de jus d’orange, un citron vert et les habituelles tablettes Horlicks accompagnés de chocolat que nous portions dans le cas de mésaventures telles que celle-ci. Comme vous pouvez l’imaginer, ces maigres provisions n’allaient pas faire long feu à nous sept. Et nous ne savions pas si nous allions être secourus ou non. Ben déclara alors « Bon les gars, il n’y a pas grande chance que nous nous fassions repêcher par un bateau aussi loin que nous sommes dans le Golfe de Gascogne« . Notre moral est alors descendu au ras des paquerettes, mais avec quelques plaisanteries nous avons pu nous remotiver, puis panser nos plaies. Nous nous sommes alors préoccupés des blessures de chacun.

Ben avait des blessures partout, beaucoup d’entre-elles avaient été causées par l’amerrissage et les autres par les balles et schrapnels. Jimmy avait des blessures par balles au visage et aux jambes ainsi que dans le dos. Nous avons du l’allonger dans le fond du dinghy car il souffrait terriblement. Puis il y avait Jack, dont une partie de l’une de ses jambes avait été emportée par un obus. « Je suppose que même si nous sommes secourus, une fois de retour je n’échapperai pas à l’amputation« , commenta t-il. Dick quant à lui avait une balle logée entre les épaules, tandis que Mike, Jerry et moi-même étions les plus chanceux. Mike avait seulement un éclat d’obus qui avait terminé sa course dans son genou. Thornton n’avait qu’une égratignure sur un de ses doigts, en ce qui me concerne j’avais une balle dans le poignet et un éclat dans un des genoux. L’officier (Thornton) semblait être un peu distant mais le deuxième jour nous l’avons appelé par son prénom. Quand nous avons fini de nous faire des bandages de fortune avec des morceaux de chemises déchirés et des mouchoirs, nous nous sommes accrochés aux boudins du dinghy afin d’éviter de tomber dans l’eau. Si cela s’était produit pour l’un d’entre-nous, je crois qu’aucun des autres n’aurait pu le faire remonter dans le canot. Nous commencions à ressentir les effets de l’attaque puis de l’amerrissage, ainsi que ceux de la lutte à laquelle nous avions du faire face pour pouvoir nous libérer de la carcasse de l’avion sous l’eau.

 

Carte de la dérive océanique de Jack Foss et de ses équipers

Carte de la dérive de Jack Foss et de ses équipers dans leur dinghy, dont le point de départ (l'amerissage du Liberator) est le plus au sud, à approximativement 300 nautiques des cotes portugaises. Ils ont parcouru près de 982 km dans leur canot pneumatique avant d'être secourus par le HMS Wildgoose.

Cette nuit là la mer se calma quelque peu et nous avons bricolé une voile afin que le dinghy ne se retourne pas. Mais cette nuit fut pour nous un véritable enfer. Le vent nous harcela, nous transperçant comme un couteau. Nous étions trempés jusqu’aux os et il n’y avait aucun moyen de se couvrir ou de se protéger quoi qu’il en soit. Nos blessures nous faisaient horriblement mal car notre circulation sanguine était encore correcte. Tout au long de la nuit, chacun voulait bouger ou mouvoir ses jambes à cause du peu de place qui était offert, entraînant par dessus le marché des crampes. Tout cela en plein milieu de la nuit, avec la mer se déversant par paquets. Nous ne parlions pas beaucoup, juste « Putain de froid » ou encore « Pour l’amour de Dieu, restez en place« , lorsque quelqu’un se mouvait. Aucun d’entre-nous n’a probablement jamais été aussi reconnaissant que lorsque l’aube est apparue. Cela voulait dire que bientôt le soleil brillerait, que le vent cesserait peut-être de souffler et que les possibilités d’être vus par un avion seraient augmentées.
Durant toute cette journée là, nous avons scruté la mer à la recherche de bateaux ou d’avions. Le jour passait et nous nous affaiblissions de plus en plus. Nous nous sommes regardés les uns les autres et nous étions gelés jusqu’à la moelle de nos os. Nous n’avions même pas vu un oiseau ou un bout de filet de pêche. Nous avons alors mangé des tablettes Horlicks, sucé chacun notre tour le citron et nous nous sommes installés du mieux que nous le pouvions pour cette nouvelle nuit. Nous nous demandions si nous pourrions tenir une nouvelle journée, tandis qu’à la fin de la journée alors que nous nous apprétions à perdre espoir, quelqu’un, je crois que ce fut Mike, vit un Sunderland à quelques miles. Chacun d’entre-nous le félicita, puis nous avons alors agité frénétiquement les bras en hurlant. Cela ne servit strictement à rien, le Sunderland ne nous vit même pas. On put alors facilement deviner les pensées de chacun.

Je me mis à penser à ma femme et au petit bébé qu’elle allait avoir. Et aux gens que je connaissais qui n’était pas en bonne santé. Je me demandais ce qu’ils faisaient désormais puisque j’étais certain qu’on les avait forcément mis au courant de ma disparition. Cette pensée me fut plus douloureuse que tout ce que je souffrais dans ce dinghy. Et cette nouvelle nuit fut aussi horrible que la précédente. Nous n’avions pas de nourriture, rien à boire qui nous aurait permis de lutter contre ce froid mordant. Toute cette nuit ne fut jamais qu’un trop long cauchemar et lorsque l’aube arriva, nous avions tellement froid que nous ne sentions plus les douleurs dues à nos blessures. Mais un autre type de douleur se manifesta, celui de nos pieds et jambes continuellement trempés par l’eau de mer qui se déversait sans cesse dans le dinghy. Plier ou déplier nos jambes était devenu une véritable torture. Et nous devions nous mouvoir pour éviter les crampes quasi continuelles dont nous étions désormais victimes.

Toute cette journée là nous avons continué à scruter le ciel à la recherche d’avions, jusqu’à ce que nos yeux ne se ferment. Ce ne fut pas avant six heures du soir que nous avons aperçu un appareil à distance.

Traduction et adaptation Antony Angrand.

 

A suivre…

 

Publié par : PBY-Catalina | 28/07/2009

Sauver des vies – Search and Rescue (2)

Jack Foss, copilote sur un Liberator du Coastal Command de la RAF, continue la narration de la mission qui lui valut le surnom de miraculé. L’appareil est dans une mauvaise posture, il n’y a aucun nuage qui leur permette de s’échapper mais le pire est à venir…

« Soudainement, le mécanicien est arrivé de la soute à bombes, comme le diable sortant d’une boîte. Il dégagea d’une pichenette ma main de la commande des gaz, me hurlant qu’il mettait l’hélice en drapeau du moteur n°2 qui était en feu. Heureusement pour nous, le feu s’éteignit une fois le moteur arrêté. Mais à ce moment là, ce fut le moteur n°3 qui essuya une bonne rafale. Il prit feu et cracha une longue flamme de 10 mètres le long de l’appareil. Ce fut au cours de cette attaque, je crois, que tout le monde fut touché parce qu’obus et balles transpercèrent l’appareil du nez à la queue de l’avion. Ce fut également pendant cette attaque que je fus blessé aux bras et jambes.

Cette jeune demoiselle donne une idée des dimensions du cat's walk (littéralement "le passage du chat") par lequel le mécanicien de bord est passé pour hurler à Jack Foss que l'hélice du moteur n°2 devait être mise en drapeau. Il n'est déjà pas évident de s'y mouvoir alors que l'avion est au sol...

Cette jeune demoiselle donne une idée des dimensions du cat's walk (littéralement "le passage du chat") de la soute à bombes par lequel le mécanicien de bord est passé pour hurler à Jack Foss que l'hélice du moteur n°2 devait être mise en drapeau. Comme on peut le constater, il n'est déjà pas évident de s'y mouvoir alors que l'avion est au sol...

J’allais mettre en drapeau l’hélice du moteur n°3 lorsque je m’aperçus qu’il n’y avait plus de commande à actionner. J’essayais alors d’accéder à l’extincteur à côté de moi et je le trouvais recouvert par des barres de métal tordues,  résultant des impacts d’obus. A partir de ce moment-là, les attaques des Junkers redoublèrent. Comme je me sentais faible, je demandais alors à Thornton de m’aider à pousser ou tirer le manche.

Les commandes devenaient de plus en plus molles, les ailerons étaient hors service, les flammes commençaient à cuire le carburant, la roue du train d’atterrissage principal gauche pendait lamentablement, les flaps ne répondaient plus, deux moteurs étaient coupés et les deux autres commençaient à donner des signes de faiblesse, prêts à rendre l’âme. J’ai alors décidé d’amerrir. J’ai hurlé aux gars « ouvrez l’issue de secours, on va amerrir« . Ça n’était pas évident pour eux de se mouvoir, chacun d’entre-eux était blessé.

Vue du cockpit d'un Liberator prise au fish eye. La surface vitrée y est importante, derrière la tête du pilote, on distingue le moteur n°3 qui prit feu sur l'appareil de Jack Foss, après le n°2. Ne restait alors que les deux moteurs extérieurs pour propulser l'appareil, lesquels commençaient à rendre l'âme...

Vue du cockpit d'un Liberator prise au fish eye. La surface vitrée y est importante, derrière la tête du pilote, on distingue le moteur n°3 qui prit feu sur l'appareil de Jack Foss, après le n°2. Ne restait alors que les deux moteurs extérieurs pour propulser l'appareil, lesquels commençaient à rendre l'âme...

Lorsque les gars furent en place, j’ai entamé un léger piqué puisque nous n’étions à peine à 300 mètres d’altitude. J’ai coupé les gaz, piqué pour atteindre une vitesse d’environ 200 kts avant de redresser juste au niveau des vagues. Ce n’était pas un amerrissage avec du vent. Il fallait que que je dispose l’appareil dans le sens des vagues jusqu’à ce qu’il soit au voisinage de sa vitesse de décrochage. C’est ce que j’ai fait et nous avons impacté l’océan avant qu’une vague ne nous retourne. Je l’ai réussi plus par chance que par réflexion. L’appareil a immédiatement coulé et nous étions dedans. 6 mètres sous l’eau,  dans le noir complet. L’impact terrifiant avait rompu le quadrimoteur et avait bien failli nous tuer par la même occasion. C’était comme si nous avions heurté un mur de briques à 160 km/h. Il n’était même pas question de s’aider les uns les autres, tout simplement parce que l’obscurité était telle qu’il était impossible de voir  qui que ce soit.

J’ai juste expiré et je me suis dit « eh bah voilà, ça y est« .  Nous sommes tous restés sous l’eau pendant près de deux minutes avant que l’un d’entre nous puisse s’extirper de l’épave et remonter à la surface. Personne ne peut imaginer cette sensation horrible, celle d’être coincé dans un appareil sous l’eau et de le sentir lentement couler vers le fond. Mais nous avons réussi à nous en échapper et à remonter à la surface. Lorsque nous l’avons finalement atteinte, il ne manquait que le pilote et Pat. J’ai soudainement vu la lumière du jour et pris une bouffée d’air. Nous avons regardé tout autour de nous et avons alors été consternés de ne voir qu’un seul dinghy. Le reste avait coulé avec l’appareil, à l’exception de celui que nous utilisions et d’un dinghy une place. Celui-ci coula à peine déplié parce qu’il avait été percé par les impacts d’obus et de balles. Ça n’a pas été facile de se tenir à sept dans un dinghy deux places. Nos mae-west avaient été elles aussi touchées par les impacts et ne nous furent d’aucune utilité. Certains ne pouvaient pas nager et leurs blessures rendaient difficiles leur montée à bord du canot gonflable. La mer était démontée. Nous étions malades à la fois à cause de la mer mais également parce que nous avions avalé une énorme quantité d’eau salée.

Un dinghy deux places. C'est sur ce canot gonflable que les 7 membres d'équipage du Liberator, dont Jack Foss, ont tenu place une fois le quadrimoteur au fond de l'océan.

Un dinghy deux places. C'est sur ce canot gonflable que les 7 membres d'équipage du Liberator, dont Jack Foss, ont tenu place une fois le quadrimoteur au fond de l'océan.

Cela ne faisait pas une heure que nous étions dans le dinghy lorsque nous avons aperçu une fumée à l’horizon. Quelqu’un a dit « on n’est pas encore sauvés« . Le radio a commencé à agiter avec frénésie le drapeau télescopique que nous avions trouvé dans le canot. La fumée se rapprocha et nous avons alors pu distinguer la forme d’un vaisseau. Il a modifié sa route en venant vers nous. Nous nous sommes excités en pensant que nous allions être repêchés par un bateau et sauvés de notre expérience à bord du dinghy avec seulement des cubes Horlicks à manger et deux petites canettes d’eau pour nous sept. Tandis que le bateau s’approchait nous l’avons reconnu, un U-Boot de 517 tonnes avec le kiosque modifié, peint en jaune crasseux. Le navigateur nous a donné l’ordre de ne répondre à aucune question et de ne juste dire que « water » [eau] ce que nous avons fait. Le sous-marin s’est approché à une vingtaine de mètres. Nous avons pu voir les allemands de près. Ils étaient rasés et portaient des uniformes. L’un d’entre-eux a alors dit « Vous britanniques. Vous alliés ? ». Nous n’avons pas répondu et juste hurlé « water« . Lorsque le commandant du U-Boot comprit qu’il ne tirerait rien de nous et que nous n’avions pas l’intention de dire quoi que ce soit, il ordonna à ses hommes de poursuivre la route , ce qu’ils firent, avec un cap à l’ouest.

Un U-Boot de 517 tonnes selon la nomenclature britannique. Ce fut un de ces sous-marins qui croisa nos naufragés.

Un U-Boot de 517 tonnes selon la nomenclature britannique. Ce fut un sous-marin similaire à celui-ci dont la route croisa celle du canot gonflable de Jack Foss et de ses camarades, à leur grand dépit.

Ben a alors dit « préféreriez-vous être rapidement faits prisonniers ou plutôt tenter votre chance d’être secourus ? » et tout le monde a répondu « On préférerait être rapidement secourus« . Nous étions très heureux de nous rendre compte qu’aucun d’entre-nous ne souhaitait être fait prisonnier, spécialement à bord d’un U-Boot. Nous remercions également le ciel parce que nous nous attendions tous à être mitraillés à n’importe quel moment et nous étions prêts à plonger aussitôt qu’un allemand se tiendrait derrière un pistolet mitrailleur ou une mitrailleuse. Bien que certains d’entre-nous étaient grièvement blessés et en train de mourir, nous pensions toujours que la vie est douce et étions déterminés à vivre le plus longtemps possible. S’ils nous avaient tiré dessus, je suis sûr et certain qu’ils nous auraient tous tués, même si nous avions plongé sous l’eau. Nous n’aurions pas pu rester indéfiniment sous l’eau et ils nous auraient eu une fois remontés à la surface. Lorsque l’U-Boot se fut en allé, nous avons alors exprimé ce qui nous tenait à cœur : une description assez crue de ce que nous pensions des U-Boot et des allemands en général. Quelque chose qu’il ne convient pas d’écrire. Il y a eu quelques mots choisis, parmi eux, « les fumiers sont partis« .

Traduction et adaptation Antony Angrand.

A suivre…

Publié par : PBY-Catalina | 23/07/2009

Sauver des vies – Search and Rescue (1)

Nous allons vous parler d’une autre activité du Cat’, celui du sauvetage des aviateurs tombés en mer, qui constitua pendant la seconde guerre mondiale un domaine d’intervention de notre hydravion. Mais avant d’en discuter, et pour mieux comprendre comment les choses se passaient pour les aviateurs tombés en mer, voici l’histoire dramatique d’un équipage du Coastal Command (des garde-cotes de la Royal Air Force) qui fut en partie récupéré…

Elle a été à l’origine narrée par un écrivan britannique d’origine néo-zélandaise, Hector Bolitho, qui débuta comme journaliste free-lance. Auteur prolifique -il a publié 59 ouvrages de son vivant- il fit le choix de rejoindre la RAFVR -Royal Air Force Volunteer Reserve- lorsque la seconde guerre mondiale éclata. Il fut affecté dans le service des renseignements et y devint Squadron Leader (grade correspondant à celui de commandant) et eu la charge d’éditer le Royal Air Force Journal, avant de s’occuper du Coastal Command Intelligence Review. A cette fin, il effectua plusieurs séjours sur différentes bases du Coastal Command de la RAF, ce qui lui permit par la suite de rédiger deux ouvrages spécifiques dont Task for Coastal Command. Bolitho demanda à l’aviateur à qui ces faits étaient arrivés de les lui coucher sur le papier. C’est ce qu’il fit, à contrecœur mais avec quantité de détails qui font qu’aujourd’hui ce récit demeure l’un des plus stupéfiants qui ait pu être publié après guerre.

Hector Bolitho en uniforme de la RAF.

Hector Bolitho en uniforme de la RAF. On lui doit également le fabuleux "Combat Report", un témoignage direct sur la bataille d'Angleterre.

Le Coastal Command avait pour charge de traquer sous-marins et bâtiments allemands, de les détruire et/ou de les forcer à rester en plongée indéfiniment. Lorsque Bolitho commence son livre, on est à la veille des opérations du Jour J et l’effort maximal est porté sur la lutte anti sous-marine. Tous les jours des appareils, qu’ils soient hydravions ou quadrimoteurs voir même les deux, décollent pour aller repérer puis larguer des charges de profondeur sur les bâtiments de la Kriegsmarine, de jour comme de nuit. Ce n’est pas sans risque : les appareils de la RAF sont fréquemment attaqués par des bimoteurs de la Luftwaffe, quand ils ne sont pas canonnés par la DCA des sous-marins. Fréquemment, tel équipage parti faire une patrouille au large de la Bretagne ou du Golfe de Gascogne ne revient pas, disparaissant corps et âmes.

Max Guedj, qui fut l'un des plus grands aviateurs des forces françaises libres.

Max Guedj, qui fut l'un des plus grands aviateurs des forces françaises libres. Sa grande tenue est exposée au Musée des Invalides, à côté de celle du Commandant Mouchotte.

Bolitho rencontra plusieurs aviateurs légendaires du Coastal Command, tels que Max Guedj -un français libre qui devint chef d’une escadrille de bimoteurs De Havilland Mosquito et qui mourra au cours d’une attaque d’un convoi en Norvège, en janvier 1945-  ou encore d’autres tels que Jack Foss, le miraculé. Voici son histoire, racontée telle qu’il l’a écrite pour Hector Bolitho. Les faits que relate Jack Foss, copilote sur un Liberator de la RAF, se sont produits en septembre 1943, dans la zone du golfe de Gascogne. Bolitho les a ensuite reproduits dans Task for Coastal Command, à la date du 3 juin 1944. Mais laissons la parole à Jack Foss :

« Nous avons décollé à 10h30 un matin de septembre pour une patrouille anti sous-marins. Le temps était tel que n’importe quel aviateur du Coastal Command peut le souhaiter : un vent régulier, une atmosphère tiède et plaisante, avec juste assez de nuages pour nous protéger au cas où des chasseurs ennemis nous auraient trouvés et attaqués au dessus du golfe de Gascogne (1). Chacun avait bon moral, nous espérions trouver et détruire un U-Boot, ce que notre équipage n’avait pu faire jusqu’alors. Ceci, couplé à la météo, expliquait notre sentiment joyeux et notre allégresse.

A treize heures, tout se passait pour le mieux. Nous volions assez près de la cote espagnole, tout semblait calme et pacifique. Nous avions vu quelques bateaux de pêche espagnols, quand notre navigateur nous demanda d’altérer notre cap vers l’ouest. Comme nous autres, il était excité à l’idée de se rendre dans une zone de patrouille ou les U-Boot étaient souvent présents et d’en couler un.

Voici à peu de choses près comment la patrouille de Jack Foss débuta. Météo clémente et mer calme, quelques nuages pour se réfugier et échapper aux chasseurs. Malheureusement pour Jack Foss et ses camarades, le destin s'en mêla ce jour là.

Voici à peu de choses près comment la patrouille de Jack Foss débuta. Météo clémente et mer calme, quelques nuages pour se réfugier et échapper aux chasseurs. Malheureusement pour Jack Foss et ses camarades, le destin s'en mêla ce jour là.

A quatorze heures, tandis que nous volions vers l’ouest, les nuages commencèrent à s’amincir et le vent força jusqu’au moment ou il n’y eut plus aucun nuage. Le vent avait une vitesse de 30 kts et la mer n’était plus cette étendue d’eau calme que nous avions survolé jusqu’alors. C’était une course de chevaux blancs, se chassant les uns les autres frénétiquement tout au long de l’océan. Les vagues devaient avoir une hauteur allant jusqu’à 9 mètres. Nous nous sentions désolés pour n’importe quel marin qui devait être sur la mer, se bagarrant contre les flots.

A quatorze heures quinze minutes, nous venions juste de modifier notre route pour prendre un cap plus au nord lorsque l’observateur constata quelque chose sur sa droite. J’ai pensé « C’est l’occasion que nous avons tant attendue » (2). Le pilote était tout sourire, nous avons viré et j’ai donné l’ordre d’ouvrir la soute à bombes. Au même moment, j’ai augmenté la vitesse des moteurs au cas ou nous aurions besoin de plus de puissance. Tandis que nous nous rapprochions de la zone, tout le monde à bord se dévissait le cou, l’observateur également au travers de son petit compartiment en demandant s’il s’agissait d’un sous-marin. D’abord il sembla que nous étions chanceux. Nous pouvions voir une petite fumée noire poussée par le vent, comme celle d’un U-Boot rechargeant ses batteries (3). On régla nos équipements. Le bombardier se mit en position, il sélectionna ses bombes, l’opérateur radio était prêt à envoyer en morse le signal de repérage d’un sous-marin, le doigt sur le manipulateur. Nous étions très près lorsqu’un des mitrailleurs lança à l’intercom « C’est un foutu petit bateau de pêche« . Ça l’était effectivement, un petit bateau de pêche avec le mot EIRE peint le long de sa coque. Je pense que je n’ai pas besoin de répéter ce que nous disons à propos des bateaux de pêche, n’importe qui est capable de deviner en lisant entre les lignes…(4)

Nous avons tourné en rond tout autour du bateau de pêche à 60 mètres de distance, notant différents détails tels que ses marquages, sa route, sa vitesse, etc. Nous étions assez prêts pour voir les filets de pêche étendus sur un côté. Puis nous avons repris de l’altitude et poursuivi notre route. A quinze heures dix, nous venions juste de rétablir à 900 mètres lorsque nous avons aperçu un cumulus solitaire qui allait s’avérer nous être fatal.

Tandis que nous l’approchions, un de nos mitrailleurs a hurlé « Avion droit devant ayant juste pénétré le nuage !« . Le pilote a immédiatement changé de cap parce qu’il n’aimait pas l’idée d’un avion s’esquivant dans un nuage. Puis, du coin de l’œil il aperçut un autre appareil nous attaquant en piqué. Il a immédiatement hurlé « Attention les gars ! Junkers ! Larguez les bombes ! » (5). Tandis qu’il criait, il disposa l’appareil de telle manière qu’il espérait bien sortir de leur viseur. Nous étions juste en train de remercier Dieu d’avoir échappé à cette attaque que je vis des éclairs sortir des bords d’attaque des ailes du Junkers. Une seconde plus tard, le pilote se tourna vers moi et me dit « ils m’ont eu« .

Tandis que je prenais les commandes, je le regardais.  Je fus envahi d’un sentiment de colère en voyant le trou dans son thorax par ou l’obus était passé. J’ai hurlé à l’intercom que le pilote avait été touché sans aucune réponse. Ce ne fut que plusieurs minutes après que je me rendis compte que le système était endommagé. Alors ma gorge devint horriblement sèche. Je ne pouvais plus avaler, ni décoller ma langue de mon palais car je réalisais que sans l’aide des mitrailleurs me signalant la position du Junkers, ce ne serait qu’une simple question de temps avant que nous ne soyons descendus, à moins qu’un banc de nuages n’apparaisse (6). Si le pilote ne sait pas qu’il est attaqué par derrière, il ne peut pas faire grand chose pour la contrer, jusqu’à ce qu’il soit trop tard.

Le Liberator dans son élément. Son autonomie en fit un quadrimoteur particulièrement approprié pour les longues patrouilles au dessus des océans, au large de l'Irlande comme au dessus du golfe de Gascogne.

Le Liberator dans son élément. Son autonomie en fit un quadrimoteur particulièrement approprié pour les longues patrouilles au dessus des océans, au large de l'Irlande comme au dessus du golfe de Gascogne.

A quinze heures vingt nous savions sans nul doute qu’ils étaient quatre à nous attaquer. Et nous savions également que nous serions extrêmement chanceux de pouvoir leur échapper étant donné qu’il n’y avait encore aucun nuage dans le ciel. Le petit nuage dans lequel le Junkers s’était esquivé était loin derrière et de toutes façons il était bien trop petit pour y cacher notre Liberator.

Les deux ou trous minutes suivantes les quatre Junkers nous encerclèrent tandis que j’étais occupé à piloter l’appareil en me rappelant ce que l’on m’avait enseigné de faire et de ne pas faire à l’entraînement. Cinq minutes plus tard, la seconde attaque débuta, du même Junkers qui avait effectué la première. Les trois autres se mettaient en position. Ils étaient hors de portée de nos mitrailleuses.

Cette fois-ci ce fut une attaque frontale par la droite. J’ai immédiatement disposé l’appareil pour la parer, mais il nous avait dans son viseur. Je venais juste de mettre le quadrimoteur dans un virage presque vertical lorsque je vis une fois de plus des éclairs venir de ses ailes. Mon cœur s’arrêta presque de battre parce que cette attaque était exactement dans la même configuration que la première, lorsque le pilote avait été tué. Je fus chanceux une fois de plus, mais le pauvre Jimmy dans sa tourelle fut salement touché. Il avait des balles logées dans un pied, une jambe et dans le dos, le visage et le cou pleins de coupures. Il tomba plus qu’il ne réussit à s’extirper de sa tourelle. Je hurlais que quelqu’un devait absolument prendre sa place puisque la tourelle est armée de deux mitrailleuses de 12,7 mm et les boches n’aiment pas ça. Jack s’apprêtait à y prendre place lorsque Jimmy lui déclara « Ça ne sert à rien, le système d’alimentation de la mitrailleuse a été touché« . Il était hors d’usage, rendant la tourelle muette (7).

Tandis que je jetais l’avion dans tous les sens possibles, je me rendis compte que les commandes devenaient de plus en plus dures à actionner. Ce ne fut pas avant d’avoir jeté un coup d’œil au siège du pilote que je compris pourquoi. Il avait bloqué les commandes durant la première partie de l’attaque, j’aurais du l’évacuer du poste de pilotage mais cela n’avait pas été possible. J’ai hurlé au Flying Officer Thornton(8) derrière moi, qui était un passager, de le retirer du siège et de s’y installer lui-même. Après quelques efforts il y parvint. Je continuais à piloter l’appareil comme si c’ était un chasseur et ce n’était pas aisé.

Comment les attaques se sont produites. La première (1) a touché le pilote qui est mort peu de temps après avoir reçu un obus en plein thorax. Jack Foss, copilote, a pris sa place. La deuxième attaque a vu tous les instruments du tableau de bord détruits, le mitrailleur de tourelle (Jimmy) être touché au pied, à la jambe, au dos (2). Un des membres de l'équipage a essayé de le remplacer sur ordre de Jack Foss, mais la tourelle était hors service. Au cours de cette même attaque, le mitrailleur de queue (3) a été grièvement blessé. Touché par un éclat d'obus à la colonne vertébrale, il eut assez de force pour s'emparer d'une des mitrailleuses latérales et abattre un des Junkers assaillants.

Comment les attaques se sont produites. La première (1) a touché le pilote qui est mort peu de temps après avoir reçu un obus en plein thorax. Jack Foss, copilote, a pris sa place. La deuxième attaque a vu tous les instruments du tableau de bord détruits, le mitrailleur de tourelle (Jimmy) être touché au pied, à la jambe, au dos (2). Un des membres de l'équipage a essayé de le remplacer sur ordre de Jack Foss, mais la tourelle était hors service. Au cours de cette même attaque, le mitrailleur de queue (3) a été grièvement blessé. Touché par un éclat d'obus à la colonne vertébrale, il eut assez de force pour s'emparer d'une des mitrailleuses latérales (4) et abattre un des Junkers assaillants.

Thornton s’était à peine assis dans le siège qu’une pluie d’obus traversèrent le fuselage de part en part, détruisant tous les instruments du tableau de bord à l’exception du Badin, d’autres s’écrasant contre le blindage de nos sièges. C’était une bonne idée de l’avoir fait s’asseoir sur ce siège, car autrement il aurait surement été grièvement blessé.  C’est au cours de cette troisième attaque que notre tourelle de queue fut réduite en miettes, le mitrailleur fut touché à la colonne vertébrale par un éclat d’obus. Bien qu’il fut mortellement touché, il rampa pour s’extirper de la tourelle, juste à temps pour prendre en mains une des mitrailleuses latérales. Il effectua un bon tir et toucha un des appareils tandis qu’il mourrait. Bien qu’aucun d’entre-nous ne l’ait vu, nous pensons que ce Junkers a fini dans l’océan parce qu’à partir de ce moment ils ne furent plus que trois à nous attaquer »…

Traduction et adaptation Antony Angrand.

A suivre

(1) Les appareils quadrimoteurs du Coastal Command tels que Liberator, Halifax et Flying Fortress avaient l’habitude, pour échapper aux attaques des bimoteurs de la Luftwaffe, de se réfugier dans un nuage et de profiter pour changer de cap et d’altitude. Seuls les Mosquito Tse-Tse (ainsi baptisés en raison de la présence d’un canon Mollins de 57 mm à la place des 4 canons de 20 mm) qui s’attaquaient aux U-Boot n’avaient pas besoin d’opérer ce type de manoeuvre. Aussi rapides qu’agiles, les équipages de Mosquito étaient capables d’échapper à leurs poursuivants grâce à la manette des gaz…

(2) Les occasions de repérer et d’attaquer un U-Boote étaient très rares au début de la guerre. Avec le développement du radar et l’ajout de puissants phares Leigh sous les ailes des appareils, les équipages parvinrent à faire grimper les statistiques. Cependant à la date ou Jack Foss vécu cet épisode dramatique, il y avait encore des équipages du Coastal Command qui n’avaient jamais croisé la route d’un sous-marin allemand. Dès que la bataille de l’Atlantique fut gagnée, le Coastal Command commença à mener une vie très dure aux U-Boot, à tel point que dans les mois qui précédèrent le Jour-J très peu de submersibles échappèrent aux équipages de la RAF.

(3) Les U-Boot rechargeaient leurs batteries en surface, en faisant fonctionner leurs moteurs Diesel. D’où la fumée dégagée par ces derniers, visible de loin sur l’océan.

(4) Jack Foss fait ici mention de deux éléments distincts. Le premier repose sur la présence de bateaux de pêche dans une zone « militaire » au sens ou à cette époque dans le golfe de Gascogne, s’affrontaient les forces aériennes et marines alliées et allemandes, ce  qui avait le don d’énerver les équipages du Coastal Command. D’autre part, il n’est pas impossible que certains des bateaux de « pêche » aient en fait servi de bâtiments de surveillance au bénéfice des allemands.Il s’agit ici d’un bateau de pêche irlandais, nation neutre à l’époque.

(5) Les bombes étaient larguées afin d’alléger l’appareil et de faciliter les manœuvres évasives. Cependant à cette époque, la majorité des appareils du Coastal Command n’emportaient plus de bombes mais des charges de profondeur, bien plus efficaces pour couler les sous-marins allemands, mais d’un maniement autrement plus complexe car elles ne devaient pas tomber sur le sous-marin mais à côté pour exploiter la pression de l’eau contre les coques.

(6) Les mitrailleurs ne servaient pas uniquement à défendre l’appareil mais aussi et surtout à signaler au pilote la position des attaquants, afin que des actions évasives adaptées puissent être effectuées en conséquence. L’armement du Liberator dans la RAF différait de la version américaine, notamment au niveau de la tourelle de queue qui abritait 4 mitrailleuses de .303 (7,7 mm) au lieu de 2 x .50 (12,7 mm).

(7) C’est en fait le système d’approvisionnement en bandes de cartouches de 12,7 mm qui fut touché, car la tourelle pouvait être opérée manuellement. La tourelle pouvait donc continuer à pointer ses mitrailleuses lourdes dans toutes directions mais les mitrailleuses ne pouvaient plus tirer.

(8) Grade équivalent à celui de lieutenant.

A suivre…

Dans notre précédent article, nous avons vu que le Consolidated PT-1 fut évalué par l’US Navy qui le baptisa  NY-1. Les principales différences avec le PT-1 de base se tenaient au niveau du train d’atterrissage, remplacé par un flotteur central et deux flotteurs stabilisateurs positionnés au niveau des saumons d’ailes du plan inférieur de l’appareil.

L’US Navy fit rapidement évoluer l’appareil : en raison de la charge alaire accrue due à la présence des flotteurs, elle commanda la variante NY-2 dotée d’une plus grande envergure à 181 exemplaires, motorisés par le Wright Whirlwind J-5 R-790-8, d’une puissance de 220 chevaux. Puis apparu la version NY-3, dont la seule différence reposait sur l’emploi d’un bloc Wright R-760-94 d’une puissance accrue de 20 chevaux. Les premiers NY-1 furent livrés en mai 1926, le NY-2 vola quant à lui pour la première fois en octobre 1926. 108 étaient en service en 1929, dont 35 supplémentaires furent affectés à des escadrilles de réserve.

Le Consolidated PT-3 aux couleurs caractéristiques de l'USAAC période entre deux guerres.

Le Consolidated PT-3 aux couleurs caractéristiques de l'USAAC période entre deux guerres.

Le succès du NY-1 auprès de l’US Navy, dérivé du PT-1, fit conclure au corps aérien de l’US Army que le moteur en étoile était le bloc idéal pour un appareil d’entraînement. Ce type de moteur était fiable et présentait également l’avantage d’offrir un rapport poids/puissance intéressant en comparaison aux blocs refroidis par liquide. L’USAAC imita alors l’US Navy en greffant un bloc Wright Whirlwind J-5 d’une puissance de 220 chevaux sur une cellule de PT-1 et l’appareil fut baptisé XPT-2.

Poussant la copie jusqu’à son paroxysme, du XPT-2 l’appareil évolua alors en XPT-3 avec un empennage aux formes légèrement différentes, une voilure revue et corrigée. 130 XPT-3 furent ainsi commandés en septembre 1927 et l’appareil prit la désignation officielle de PT-3, tandis qu’un exemplaire était assemblé pour donner le XO-17.

Le bloc radial du PT-3 est un Wright Whirlwind J-5 d'une puissance de 220 à 240 chevaux. On remarque également la dérive, au design très "Boeing".

Le bloc radial du PT-3 est un Wright Whirlwind J-5 d'une puissance de 220 à 240 chevaux. On remarque également la dérive, au design très "Boeing".

Le XO-17 différait pour sa part du PT-3 par quelques aménagements complémentaires. D’abord un fuselage un peu plus aérodynamique avec carénages additionnels, des amortisseurs hydrauliques au niveau du train d’atterrissage complétés de freins (la très grande majorité des appareils de la première guerre mondiale ne possédaient ni freins ni amortisseurs, utilisant des sandows), des gouvernes équilibrées et une contenance carburant accrue. Devenu ainsi O-17 Model 2 Courier, l’appareil fut utilisé en 29 exemplaires par l’Air National Guard américaine pour effectuer de l’entraînement sous toutes ses formes : au mitraillage mais aussi à la reconnaissance photo et aux communications radio.

Au PT-3 succédèrent les PT-3A, dont 120 exemplaires furent commandés, dont peu de différences les caractérisaient par rapport au PT-3 de base. Quant au prototype XPT-3, il bénéficia du montage du bloc Curtiss R-600 Challenger, un double étoile de 12 cylindres dont les résultats s’avérèrent si peu encourageants que le XPT-3 devenu avec sa nouvelle motorisation XPT-5 fut ramené au standard PT-3.

 

Le Boeing PT-13 Stearman qui remplaça le PT-3 après que celui-ci ait fourni de longues années de service sans problèmes majeurs.

Le Boeing PT-13 Stearman qui remplaça le PT-3 après que celui-ci ait fourni de longues années de service sans problèmes majeurs. Un dessin qui n'est pas sans rappeler celui du Consolidated PT-11, dont nous parlerons la prochaine fois.

Les PT-3 restèrent en service au sein de l’USAAC jusqu’en 1937, date à laquelle le Boeing PT-13 Stearman prit la relève. Toutefois, certains PT-3 volèrent encore durant la seconde guerre mondiale au sein de la Spartan Flying School de Tulsa, en Oklahoma.

Antony Angrand.

Dans notre précédent article nous nous étions arrêtés sur le P&W R-1535 dont la commercialisation ne fut pas un succès au même titre que les précédents Wasp et Hornet. Il en fut tout autrement pour le R-1830 qui, à l’inverse du R-1535 connut lui un succès et même un des moteurs en étoile ayant écrit une page d’histoire…

Le Twin Wasp fut certifié en février 1933 à la puissance nominale de 760 chevaux. Rapidement les commandes affluèrent si bien qu’en octobre 1934, c’est-à-dire moins d’un an après sa certification, Pratt & Whitney avaient déjà livré 50 blocs. Lorsque fut généralisé l’essence aviation avec un indice d’octane plus élevé, la puissance du moteur en double étoile fut alors portée à 1 200 chevaux dès la série R-1830-17. A partir de ce moment là, la demande ne cessa de croître et le R-1830 se vendait littéralement comme des petits pains, puisque 173 618 d’entre-eux furent assemblés, toutes versions confondues, en faisant le moteur le plus produit de toute l’histoire.

Le Pratt & Whitney R-1830, vu ici côté hélice, avec au premier plan le carter de réducteur.

Le Pratt & Whitney R-1830, vu ici côté hélice, avec au premier plan le carter de réducteur.

Cependant le montage du bloc ne fut pas heureux sur tous les appareils. Si sur des bimoteurs de transport tels que le C-47 il fut particulièrement adapté (la version civile, à savoir le DC-3 étant motorisé par des Wright Cyclone) l’installation du bloc sur des chasseurs se révéla décevante. En 1940, Curtiss notamment avait remplacé tous les blocs en étoile R-1830 motorisant la série des Hawk par des moteurs en ligne refroidis par liquide, d’abord par des Allison puis des Packard ou du moins Rolls-Royce Merlin produits sous licence. D’autres appareils de chasse utilisèrent le bloc Pratt & Whitney en raison de l’indisponibilité de moteurs plus puissants : ce fut le cas du Commonwealth Boomerang australien mais également du chasseur suédois FFVS J22.

Voici disposées sur une table l'ensemble des pièces fixes et mobiles composant un Pratt & Whitney R-1830.

Voici disposées sur une table l'ensemble des pièces fixes et mobiles composant un Pratt & Whitney R-1830.

En fait Pratt & Whitney avait commencé à travailler dès 1935 sur le montage d’un turbocompresseur deux étages sur Twin Wasp. Le bureau d’étude avait énormément travaillé sur le développement d’échangeur air/air afin de pouvoir augmenter la charge, ainsi qu’au niveau de l’entraînement indépendant des  rotors mais cette installation était loin d’être au point. C’est ainsi qu’en 1939, le Curtiss P-36 (notre H-75) fut testé en vol équipé d’un R-1830 avec turbocompresseur deux étages, délivrant une puissance de 1 050 chevaux à 6 850 mètres. L’appareil, du moins sa motorisation, trouvait rapidement ses limites en altitude, il était évident que le turbocompresseur n’était pas encore totalement au point.

Vue en coupe d'un R-1830 turbocompressé. On aperçoit l'un des rotors du turbcompresseur, dont le collecteur d'air est relié à la tubulure d'admission (en noir, coudée) au cylindre.

Vue en coupe d'un R-1830 turbocompressé. On aperçoit l'un des rotors du turbcompresseur, dont le collecteur d'air est relié à la tubulure d'admission (en noir, coudée) au cylindre.

Les ingénieurs de Pratt & Whitney retournèrent à leurs planches à dessin et leurs efforts conduisirent à une commande de l’US Navy en juillet 1940 se portant sur des Grumman F4F-3 motorisés par des R-1830-76 puis -86, délivrant cette fois-ci une puissance de 1 200 chevaux. Mieux encore, à la fin 1941, le motoriste installa la version R-1830-SSC7-G sur leur banc d’essais volant, un Hawk 81 A qui fut crédité de performances particulièrement brillantes. En fait cette série de moteurs n’avait que peu de choses à voir avec les premiers R-1830 turbocompressés, puisqu’en 1942 l’appareil atteint la vitesse de 626 km/h à 6 900 mètres, grimpant jusqu’à 20 000 pieds (6 096 mètres) en 7,54 minutes. Cet évènement, qui ne fit l’objet d’aucune publicité à l’époque, est assez représentatif du chemin que durent parcourir les motoristes préférant les blocs en étoile par rapport aux blocs en ligne refroidis par liquide. En effet, le montage d’un turbocompresseur sur un moteur en étoile, à plus forte raison en double étoile, est bien plus complexe que le montage d’un compresseur sur un « classique » V12 pour ne citer que ce dernier, en raison de l’architecture différente des blocs, notamment au niveau de la disposition des conduits d’admission.

On peut juger des dimensions d'un des cylindres et d'une des culasses du R-1830 au vu de ce dessin. On remarquera également le nombre d'ailettes disposées sur les deux pièces, destinées au refroidissement.

On peut juger des dimensions d'un des cylindres et d'une des culasses du R-1830 au vu de ce dessin. On remarquera également le nombre d'ailettes disposées sur les deux pièces, destinées au refroidissement.

Qui plus est, par tradition, les motoristes américains se penchèrent majoritairement sur les blocs étoile plutôt que les blocs en V refroidis par liquide. En 1930, l’US Navy avait totalement cessé de s’intéresser aux blocs refroidis par liquide, en 1936 il n’existait dans l’inventaire que les moteurs suivants : P&W R-1830, Wright R-2600, P&W R-2800 – le concurrent direct du Wright précédemment cité- et le Wright R-3350.Mais l’accroissement de puissance sur ces blocs fut à la fois lent et difficile, ce qui explique d’une certaine manière le léger retard dans ce domaine dont furent victimes les américains, retard qu’ils comblèrent puis dépassèrent allègrement par la suite. L’Europe elle avait favorisé les moteurs en V, la coupe Schneider, creuset technologique, ne voyait que l’emploi de V-12 tels que le Rolls-Royce R survitaminé et capable de la puissance incroyable pour l’époque de 2 000 chevaux.

L'Allison V-1710, un V-12 de conception beaucoup plus simple que le légendaire Rolls-Royce Merlin, d'une puissance moindre que ce dernier. Un unique (ou presque) V-12 parmi une série de moteurs radiaux...

L'Allison V-1710, un V-12 de conception beaucoup plus simple que le légendaire Rolls-Royce Merlin, d'une puissance moindre que ce dernier. Un unique (ou presque) V-12 parmi une série de moteurs radiaux...

Il n’y eut qu’Allison qui se pencha sur le développement de V-12, avec le V-1710 dont les performances devinrent rapidement inférieures à celles des moteurs radiaux, à tel point que sur certains appareils (P-40, P-51) il fut remplacé au profit du Merlin britannique. Pratt & Whitney resta pour sa part fidèle à son architecture radiale.

Antony Angrand.

Si le XPS-1 en dépit de ses systèmes novateurs ne fut pas commandé en série en raison de performances médiocres, Consolidated doit en revanche à Dayton-Wright son premier succès commercial après des militaires américains. Voici comment et pourquoi…

Avant le Dayton-Wright Racer, le responsable du bureau d’études chez cet avionneur, le colonel Virginius Clark, avait dessiné un biplan à vocation sportive, le « Chummy ». L’appareil avait deux particularités : tout d’abord sa voilure fut réalisée tout autour du novateur profil Clark Y, lequel fut utilisé par la suite sur une variété d’appareils de toutes nationalités, mais il avait également un fuselage réalisé en treillis métallique soudé, en acier au chrome molybdène.

Le fuselage en treillis d'acier au chrome molybdène du Dayton-Wright Chummy, non encore entoilé, dans l'usine de l'avionneur. On distingue les places pilote en cote à cote, qui entraîneront une visibilité médiocre vers l'avant et qui conduiront sur ce qui deviendra le PT-1 à la conception chez Consolidated d'un nouveau fuselage, avec cette fois des places en tandem.

Le fuselage en treillis d'acier au chrome molybdène du Dayton-Wright Chummy, non encore entoilé, dans l'usine de l'avionneur. On distingue les places pilote en cote à cote, qui entraîneront une visibilité médiocre vers l'avant et qui conduiront sur ce qui deviendra le PT-1 à la conception chez Consolidated d'un nouveau fuselage, avec cette fois des places en tandem.

Cet appareil fut en quelque sorte une micro révolution à l’époque ou il fut construit, puisque jusqu’alors aux États-Unis, les fuselages étaient réalisés en bois ou sur base de bois entoilé. Le treillis métallique soudé offrait à la fois une résistance supérieure aux différentes contraintes rencontrées, mais également un vieillissement dans le temps bien meilleur.

Virginius Clark, quatrième en partant de la gauche au deuxième rang. Ce pionnier de l'aviation étudia et réalisa plusieurs profils d'aile durant et après la première guerre mondiale, notamment le célèbre Clark Y. Il devint enn 1923 vice-président et ingénieur en chef chez Consolidated.

Virginius Clark, quatrième en partant de la gauche au deuxième rang. Ce pionnier de l'aviation étudia et réalisa plusieurs profils d'aile durant et après la première guerre mondiale, notamment le célèbre Clark Y. Il devint en 1923 vice-président et ingénieur en chef chez Consolidated.

Dayton-Wright proposa l’appareil à l’US Army sous la forme d’un biplan d’entraînement-écolage, avec deux motorisations possibles, à savoir un bloc Le Rhône ou un bloc Clerget, dans les deux cas des moteurs rotatifs. Un an après sa conception, l’US Army commanda à Dayton-Wright trois appareils d’évaluation dotés de double commande. Si l’appareil s’avéra stable et suffisamment manœuvrant, les militaires américains trouvèrent en revanche que le biplan manquait de puissance. On l’équipa donc d’un bloc Le Rhône d’une puissance de 110 chevaux. 10 appareils de ce type furent commandés, en fait les derniers avions de l’US Army a être propulsés par un moteur rotatif.

Le profil Clark Y fut conçu en 1922. Il a pour particularité d'avoir une épaisseur relative de 11,7 % et un intrados plat à 30% en arrière de la corde. Ce fut l'un des profils les plus utilisés, puisque l'on le retrouve sur le Lockheed Vega, mais ausi le Hawker Hurricane, sans compter les chasseurs Yakovlev de la seconde guerre mondiale. Son grand avantage est d'avoir des caractéristiques de décrochage intéressantes, en dehors de son rapport portance-trainée qui lui confère de bonnes performances.

Le profil Clark Y fut conçu en 1922. Il a pour particularité d'avoir une épaisseur relative de 11,7 % et un intrados plat à 30% en arrière de la corde. Ce fut l'un des profils les plus utilisés, puisque l'on le retrouve sur le Lockheed Vega, mais ausi le Hawker Hurricane, sans compter les chasseurs Yakovlev de la seconde guerre mondiale. Son grand avantage est d'avoir des caractéristiques de décrochage intéressantes, en dehors de son rapport portance-trainée qui lui confère de bonnes performances.

Satisfaits de cet accroissement de puissance, l’US Army constata également que le  biplan d’entraînement avait un excellent potentiel de développement. Comme par ailleurs les moteurs rotatifs montraient leurs limites à la fois en termes de puissance et de durée d’utilisation, ceux-ci étant de plus technologiquement dépassés, l’appareil d’entraînement de Dayton-Wright connu une quatrième motorisation sous la forme d’un bloc Wright-Hispano V8 de 150 chevaux, refroidi par liquide par opposition aux rotatifs tous refroidis par air. Pour l’US Army l’appareil était alors conforme à ses besoins : le bloc Wright-Hispano était d’une endurance supérieure aux Le Rhône et autres Clerget, l’on décida même de passer à la version Wright-Hispano E, autrement dit la version construite sous licence aux États-Unis du V8 français.

Le Wright-Hispano V8 fut l'un des moteurs les plus aboutis technologiquement parlant. Il fut produit sous licence Hispano-Suiza, il équipa entre autres les fabuleux Spad.

Le Wright-Hispano V8 fut l'un des moteurs les plus aboutis technologiquement parlant. Il fut produit sous licence Hispano-Suiza, il équipa entre autres les fabuleux Spad.

Mais entretemps General Motors a décidé de se retirer de la construction aéronautique.  Au début des années 1920, l’Amérique connait la Ford T, General Motors réplique via ses différentes marques. Selon toute vraisemblance, le comité d’administration de GM décida alors de concentrer ses activités en majorité sur l’automobile, secteur estimé bien plus porteur en termes de revenus que celui de l’aéronautique. Car après guerre, non seulement les budgets alloués aux  militaires ont rétréci comme peau de chagrin, mais de plus les contrats sont maigres et il n’est pas encore question d’envisager de ventes à l’export.  Ce qui veut dire ni plus ni moins que la filiale Dayton-Wright est la première visée, au sens ou elle est condamnée à cesser d’exister.

C’est ici que Reuben Fleet intervint. Encore à la tête de la direction générale de Gallaudet, il fait protéger par dépôt de brevet l’étude et la conception générale du biplan d’entraînement Dayton-Wright. Mais les actionnaires de Gallaudet désapprouvent ce qu’ils considèrent comme une maneuvre dont ils ont été non seulement tenus à l’écart mais de plus informés sur le tard. Reuben Fleet rétorque en quittant la société et créé la Consolidated Aircraft Corporation.

C’est ainsi que le Dayton Wright d’entraînement destiné au corps aérien de l’US Army devint Consolidated TW-3 (acronyme de Trainer, Water-cooled, type 3, autrement dit appareil d’entraînement à [moteur] refroidi par liquide de type 3). Une fois l’appareil entré en service, Reuben Fleet ne se repose pas pour autant sur ses lauriers. L’un des défauts du TW-3 repose sur sa visibilité vers l’avant, que l’on peut qualifier sans l’ombre d’un doute d’exécrable. Fleet improvise une solution empirique en débarrassant le biplan du capotage moteur, ce qui améliore quelque peu la visibilité vers l’avant comme vers le bas. S’il y a certes une amélioration, la visibilité est toutefois loin d’être parfaite.

Reuben Fleet sait parfaitement que le corps aérien de l’US Army est un client à ne pas négliger, et qu’il y a tout intérêt à le choyer autant que faire se peu, car rien ne garantit que le succès commercial côté civil sera au rendez-vous. Qui plus est, les commandes militaires sont synonymes de production en grande série, aussi meilleur sera l’appareil, meilleure sera l’opinion qu’auront les militaires vis-à-vis du constructeur aéronautique. Fort de cette déduction, Reuben Fleet n’y va pas quatre chemins. Il considère que le dessin du fuselage est à la base du problème de visibilité, car la disposition des pilotes est cote à cote et quels que soient les efforts effectués pour améliorer la vision vers l’avant, le résultat est toujours médiocre. Aussi propose-t-il aux militaires de redessiner le fuselage et de leur offrir une configuration plus classique, c’est-à-dire en tandem.

Le Consolidated PT-1 ou TW-3 modifié avec un fuselage configuré en aménagement tandem. Premier succès commercial de Consolidated grâce au génie et à l'intélligence de Reuben Fleet.

Le Consolidated PT-1 ou TW-3 modifié avec un fuselage configuré en aménagement tandem. Premier succès commercial de Consolidated grâce au génie et à l'intélligence de Reuben Fleet.

C’est ainsi qu’un TW-3 est reconstruit avec le nouveau fuselage, plus fin et plus adapté. L’appareil est surnommé « Camel » (chameau) du fait de la « bosse » entre les deux postes de pilotage. Le biplan est baptisé TW-8 et une commande de 50 exemplaires est passée, qui est bientôt portée à 221 appareils. Et le PT-1 devint ainsi le premier appareil d’entraînement commandé par le corps aérien de l’US Army après la première guerre mondiale. Le biplan de Consolidated ex Dayton Wright va servir d’appareil d’écolage aux cadets aussi bien an Texas et en Californie. Il va s’avérer être une excellente plate-forme d’apprentissage au vol pour les apprentis aviateurs, ayant notamment une très bonne capacité de sortie de vrille, ce qui est particulièrement apprécié alors. L’appareil, grâce à ses caractéristiques, va diminuer les statistiques d’accident des jeunes pilotes, mieux, le PT-1 se révéla supérieur en termes de qualités de vol aux appareils de chasse alors en service, d’un pilotage moins aisé. Le biplan sera utilisé jusqu’au début des années 1930 par les militaires.

Le Consolidated PT-1 tel qu'il fut évalué par l'US Navy. Certaines améliorations retinrent l'attention du corps aérien de l'US Army, ce qui déboucha sur un autre succès commercial pour la jeune société de Reuben Fleet.

Le Consolidated PT-1 tel qu'il fut évalué par l'US Navy. Certaines améliorations retinrent l'attention du corps aérien de l'US Army, ce qui déboucha sur un autre succès commercial pour la jeune société de Reuben Fleet.

L’US Navy de son côté acquiert  un appareil et fait une évalution poussée. Ces modifications intéresseront très fortement le corps aérien de l’US Army…

Antony Angrand.

Le Catalina a été développé et construit (entre-autre) par Consolidated Vultee. Cette firme a une longue histoire derrière elle, puisqu’aujourd’hui elle existe encore, bien qu’elle ait perdu son nom elle a été  intégrée à l’un des trois grands groupes aéronautiques américains.  Retour en arrière…

Consolidated Aircraft fut créée en mai 1923 par Reuben Fleet. Ce fut en fait l’une des premières firmes d’étude et de construction aéronautique aux États-Unis formée par l’acquisition de deux sociétés existantes. Reuben Fleet était devenu propriétaire de Gallaudet et avait acquis les titres de propriété d’une autre société, Dayton-Wright, auprès de General Motors, qui par choix avait décidé de se retirer du domaine aéronautique.

Reuben Fleet et l'un des hydravions étudiés par Consolidated en arrière plan.

Reuben Fleet et l'un des hydravions étudiés par Consolidated en arrière plan.

Gallaudet était en fait la toute première usine aéronautique ayant existé sur le sol américain. Edson Gallaudet créa la Gallaudet Enginerring Company en 1910 pour construire des avions sous licence. En 1917, il réorganisa sa société en la rebaptisant Gallaudet Aircraft Corporation et produisit en grande série moins d’un an plus tard des hydravions Curtiss. Après la première guerre mondiale, deux bombardiers furent étudiés, les DB-1 et DB-1B. Le corps aérien militaire américain se montra au départ intéressé, mais rapidement l’appareil montra des défauts incorrigibles pour l’époque. La voilure avait de sérieux problèmes structuraux, le mécanisme de commande des gouvernes était trop fragile, pire, son poids était carrément excessif.  Malgré tout le DB-1 B était en avance sur son époque : la voilure monoplane n’était pas haubanée et la vitesse du bombardier était aussi élevée que celle des chasseurs alors en service. Edson Gallaudet ayant disparu, Reuben Fleet était entretemps devenu directeur général de la société, puis la racheta.

Le Gallaudet DB-1, qui connut de sévères problèmes structurels au niveau de sa voilure et un excédent de poids qui le condamnèrent.

Le Gallaudet DB-1, qui connut de sévères problèmes structuraux au niveau de sa voilure et un excédent de poids qui le condamnèrent.

Dayton-Wright quant à elle fut créée en 1917, quelques jours à peine après l’entrée en guerre des Etats-Unis dans la première guerre mondiale, par un groupe d’investisseurs. Orville Wright servit de prête-nom et de consultant, bien que la société n’ait aucun point commun avec l’entreprise Wright. Pendant la première guerre mondiale elle produisit près de 3 000 biplans Airco DH-4. Cet appareil avait été conçu par De Havilland pour Airco (d’où les initiales DH) et avait pour caractéristique d’être le premier bombardier léger à posséder un armement défensif. La plupart de ces appareils furent produits aux Usa et étaient destinés à servir le corps aérien militaire américain en France, les premiers furent réceptionnés en mai 1918 et effectuèrent leurs premières missions en août de la même année, motorisés par un bloc Liberty de 400 chevaux.

 

Le<moteur V-12 Liberty, à côté duquel pose Henry "Hap" Arnold.

Le moteur V12 Liberty, à côté duquel pose le futur général Henry Hap Arnold.

Mais Dayton-Wright fut rapidement accusée de favoritisme, en regard du nombre d’appareils commandés et de son inexpérience en matière de production en série, voir même de production d’avions tout court. Ajouté à cela, les DH-4 avaient une réputation plus que douteuse puisqu’ils furent rapidement surnommés par leurs pilotes « les cercueils volants ». Jusqu’à l’arrivée des Sopwith Pup puis Camel, la grande majorité de la production aéronautique britannique se révéla complètement inadaptée aux besoins des aviateurs, notamment avec les appareils issues des bureaux d’études de RAF -Royal Aircraft Factory- dont la particularité était d’être aussi lents que peu armés. Le RFC -Royal Flying Corps, le prédécesseur de la Royal Air Force- et ses aviateurs payèrent les erreurs du War Ministry et sa pingrerie par le prix du sang, notamment au cours de l’année 1916.

L'Airco DH-4, une conception signée De Havilland, produit en grande série aux Etats-Unis.

L'Airco DH-4, une conception signée De Havilland, produit en grande série aux Etats-Unis.

Toujours est-il que si le design de l’appareil appelait à certaines critiques, l’incompétence de Dayton-Wright et les erreurs de management entraînèrent la création d’une commission sénatoriale qui prouva un favoritisme évident à l’égard de la société récemment créée dans le cadre du contrat. En dépit des preuves apportées, Dayton-Wright ne fut pas poursuivie devant un tribunal et l’entreprise survécut au scandale. Ce qui lui permit de lancer la production du XPS-1, le premier avion du corps aérien de l’US Army doté d’un train d’atterrissage rétractable.

En 1919, les surplus de DH-4 étant extrêmement  nombreux -Dayton-Wright n’avait pas été la seule entreprise à en produire puisque 9 500 avaient été manufacturés  pendant le conflit et un peu plus de 1 880 servirent en France- aussi la société chercha des dérivés commerciaux. Le DH-4 fut adopté par la poste américaine pour transporter du courrier et en 1919 la version DH-4B fut standardisée à cet effet, avec un poste de pilotage avant supprimé au profit d’un compartiment de transport de courrier, puis un train d’atterrissage renforcé et une dérive élargie. C’est sous cette forme que ces appareils effectuèrent la liaison entre San-Fransisco et New-York à partir d’août 1924, jusqu’en 1927 année durant laquelle les dernières routes aériennes postières furent confiées à des sociétés privées.

En 1919, Dayton-Wright voyant en conséquence une nouvelle niche de marché se créer, la société construisit une verson limousine de l’appareil puis une version triplace. Ces versions spécifiques du DH-4 eurent un succès relatif. En 1920, l’entreprise se mit en tête de concevoir un appareil de course pour participer à la coupe Gordon Bennett, le Dayton-Wright Racer, à la voilure en balsa avec un cockpit fermé, un train d’atterrissage rétractable, avec un mécanisme de volets de courbure et becs de bord d’attaque. Comme certains appareils de cette époque, le pilote ne bénéficiait d’aucune visibilité vers l’avant, disposant  seulement des vitrages latéraux, tandis que l’accès au cockpit se faisait via une trappe disposée en haut du fuselage.

Le Dayton-Wright Racer, tel qu'on peut le voir aujourd'hui au musée Henry Ford.

Le Dayton-Wright Racer, tel qu'on peut le voir aujourd'hui au musée Henry Ford.

L’appareil fut démonté et expédié en France, ou il fut piloté par Howard Rinehart au cours des courses de septembre 1928. Malheureusement, le Racer dut se retirer de la course suite à des problèmes mécaniques. L’appareil fut conservé et est aujourd’hui exposé au musée Henry Ford. Les retombées technologiques servirent à l’étude puis à la construction du XPS-1, furent inclus le train d’atterrissage rétractable, le fuselage monocoque ou encore l’aile cantilever avec mécanisme de becs de bord d’attaque et volets de courbure… Mais l’appareil présenta des performances si basses que le corps aérien de l’US Army ne retint pas le projet. Au final, le XPS-1 fut produit en trois exemplaires.

Antony Angrand.


Le Dayton-Wright PS-1, avec son mécanisme de rétraction du train d'atterrissage au design qui deviendra par la suite un grand classique.

Le Dayton-Wright PS-1, avec son mécanisme de rétraction du train d'atterrissage au design qui deviendra par la suite un grand classique.

Publié par : PBY-Catalina | 01/07/2009

Aux commandes du Cat – Flying the Cat (2)

Maintenant que vous avez à peu près visité l’appareil, il est temps d’en prendre les commandes. Vous vous demandez comment se pilote un Cat’, comment le fait-on décoller et comment le fait-on amerrir ? Chaussez vos lunettes et suivez le guide !


Le vol débute par une visite extérieure soignée, une inspection générale de l’appareil classique. Pas de dommages apparents, pas de fuites inhabituelles, etc. On vérifie les jauges d’huile et l’on effectue les purges du circuit de carburant. Ces opérations se font une fois grimpé sur l’appareil, ce qui demande une petite habitude, laquelle s’acquiert très vite au demeurant.

Le poste de pilotage du Cat', ici celui-ci est un modèle britannique, qui n'a que peu de différences avec le modèle américain. A gauche, la place commandant de bord.

Le poste de pilotage du Cat’, ici celui-ci est un modèle britannique, qui n’a que peu de différences avec le modèle américain. A gauche, la place commandant de bord.

Les surfaces extérieures vérifiées, les jauges contrôlées et les purges complétées, on vient s’installer dans la cabine, la place de commandant de bord étant celle de gauche. La visibilité est très correcte, les vitrages sont coulissants. On règle le palonnier, en rapprochement et en inclinaison des pédales, puis le siège. Toutes les commandes tombent bien sous la main, à l’exception de celle des trains d’atterrissage, logée un peu trop vers l’avant. Pour l’atteindre, il suffit juste de débrêler son harnais, lequel est un classique multipoints.

Les commandes de gaz moteurs et celles de pas d’hélice sont disposées au dessus de votre tête vers l’avant, sur la poutre de séparation du vitrage. On y trouve également les commandes de trim des surfaces de contrôle d’empennage. On commence par ramener manettes de gaz et d’hélices en position normale. Nous allons décoller d’une piste pour revenir en amerrissant, cela nécessite une vérification spéciale, celle des bouchons servant à étancher les cales, ainsi que que des trappes de la roue avant pour éviter de faire eau. La jointure ne doit pas présenter de défauts de surface.

Les commandes de gaz et de pas d'hélice sont situées entre les pilotes, au niveau de leurs têtes.

Les commandes de gaz et de pas d’hélice sont situées entre les pilotes, au niveau de leurs têtes.

On tire sur le câble de frein de parc, positionné juste à côté du copilote, la check list complétée on met en route le moteur numéro 2, celui de droite, lequel entraîne la pompe hydraulique. On ouvre l’essence, le mélange est réglé sur idle cut off, l’hélice est réglée sur plein petit pas, un laisse un centimètre de gaz. On enclenche le master switch ou contact général, on vérifie la pression d’injection des pompes d’injection et on actionne le démarreur. On tourne la tête à droite vers le haut, on attend alors que huit pales soit passées avant d’injecter de l’essence via le primer dans les cylindres pendant quatre pales. Ensuite, on cesse l’injection d’essence du primer, on dispose les commandes de magnétos sur 1 + 2 tout en continuant à appuyer sur le démarreur. Et le Pratt s’ébroue dans un nuage de fumée d’Avgas, on en profite pour régler le mélange sur auto lean, puis on coupe la pompe électrique. La séquence de mise en route du moteur gauche est exactement la même.

Le premier moteur mis en route est celui de droite, puisqu'il comporte l'hydraulique nécessaire aux systèmes. Sur ce Cat', on peut voir une antenne goniométrique.

Le premier moteur mis en route est celui de droite, puisqu’il comporte l’hydraulique nécessaire aux systèmes. Sur ce Cat’, on peut voir une antenne goniométrique.

On laisse tranquillement chauffer les deux moteurs en double étoile, en attendant que l’huile atteigne une température de 40° C on maintient la vitesse moteur à 1 000 tours maximum. A l’époque la vérification de la température d’huile était effectué par le mécanien de bord. Il était interdit de fermer les volets capot pour que la température d’huile monte plus vite. En attendant que l’huile soit à 40°, pilote et copilote vérifiaient le pilote automatique Sperry, actionnaient les gouvernes pour vérifier leur bon fonctionnement, testaient le dégivreur. En général, ceci complété, la température d’huile était alors à 40°. On ouvrait un filet de gaz supplémentaire pour passer à 2 000 tours/minute tout en vérifiant au passage que le dispositif de vitesse constante des hélices n’étaient pas défectueux.

Le tableau de bord du mécanicien volant, qui gère le bon fonctionnement des moteurs, surveille les températures d'huile et moteur, les jauges de carburant...

Le tableau de bord du mécanicien volant, qui gère le bon fonctionnement des moteurs, surveille les températures d’huile et moteur, les jauges de carburant…

Le roulage sur le taxiway se fait aux freins, comme sur tous les warbirds il faut éviter d’en abuser car ils s’échauffent très rapidement. Pour se diriger, on utilise donc principalement le souffle des hélices sur les gouvernes, ou l’on répartit la puissance sur le moteur de droite ou de gauche, en fonction de la direction souhaitée. Le train avant n’est pas conjugué au palonnier, mais le Catalina peut rouler aussi bien sur la piste que dans l’herbe. Une fois arrivé au seuil de piste -il va nous falloir pas moins de 1 000 mètres pour décoller- on passe alors au point fixe.

Le point fixe en seuil de piste, dernières vérifications avant décollage.

Le point fixe en seuil de piste, dernières vérifications avant décollage.

1° de trim nez levé, on passe le mélange sur auto rich, les mannettes de contrôle d’hélice sont disposées sur plein avant, on ouvre les gaz jusqu’à 48 pouces de pression d’admission et 2 700 tr/min de vitesse moteur, tout en ramenant la profondeur vers soi. Le Catalina décolle tout seul ou presque si tenté que le trim ait été scrupuleusement réglé. On ramène doucement la profondeur au neutre lorsque la vitesse atteint les 65 kts, et l’appareil est en l’air. Profondeur toujours au neutre, on effectue un palier pour rentrer le train -le copilote n’a pas accès de sa place à la commande- et prendre de la vitesse, on atteint alors les 85 kts. La montée se fait aux alentours des 85-90 kts, on allège la pression d’admission à 36 pouces et on diminue la vitesse moteur à 2 300 tr/min. Arrivé à l’altitude de croisière, soit 1 000 pieds QFE, on réduit respectivement à 29 pouces et 2050 tr/min, on passe le mélange sur auto lean et l’on vole entre 105 et 110 kts.


Yves Cartilier.

Un palier pour rentrer les roues, suivi d'une montée à 85-90 kts...

Un palier pour rentrer les roues, suivi d’une montée à 85-90 kts…


Dans le précédent article de cette série, nous nous sommes arrêtés aux National Air Races de 1928, ou les appareils concourant motorisés par le R-1340 Wasp dominèrent tout du long. En fait, les officiers supérieurs qui assistèrent à cette édition des courses aériennes furent tellement ébahis des performances offertes par le Wasp que l’US Army Air Corps, son chef d’état-major en tête, plaça une commande sur le champ !

A ce rythme, Pratt & Whitney devint rapidement un motoriste majeur au fil des années, allant jusqu’au début des années 1930 à occuper une part de marché de 60 % parmi les 25 motoristes américains. Cet état de faits était du à plusieurs hommes : d’abord au génie de Frederick Rentschler, mais également grâce à l’arrivée de Leonard Hobbs, un technicien qui avait un niveau d’excellence supérieur à la moyenne lors de sa carrière militaire, dans le domaine de la carburation. C’est sans trop de peine qu’il trouva un emploi chez Pratt & Whitney, devenant ingénieur en chef. Il concentra le développement des blocs en restant sur la même architecture, à savoir radial, refroidi par air.

Le Boeing P-12, motorisé par un P&W Wasp, n'est en fait qu'une version "terrestre" du F4B-1, motorisé par un P&W Wasp qui étonna le chef d'état-major de l'USAAC au vu des performances de l'appareil. La légende veut que cet officier, le général Fechet, ait fait une commande verbale avant la fin des courses aux représentants de Pratt & Whitney.

Le Boeing P-12, motorisé par un P&W Wasp, n'est en fait qu'une version "terrestre" du F4B-1, motorisé par un P&W Wasp qui étonna le chef d'état-major de l'USAAC au vu des performances de l'appareil. La légende veut que cet officier, le général Fechet, ait fait une commande verbale avant la fin des courses aux représentants de Pratt & Whitney.

Du simple au double étoile, il n’y a qu’un pas à franchir ou presque. Les succès commerciaux remportés par le Wasp puis le Hornet poussèrent le motoriste à accroître encore la puissance, et c’est ainsi qu’en 1932 apparurent deux moteurs qui firent eux aussi date. D’abord le R-1535 Twin Wasp junior, puis le R-1830 Twin Wasp, tous deux double étoile totalisant 14 cylindres.

Le Pratt & Whitney R-1535 ou Twin Wasp junior.

Le Pratt & Whitney R-1535 ou Twin Wasp junior.

Le Twin Wasp junior avait été développé suite à la demande de l’US Navy, qui souhaitait avoir un moteur en double étoile, non pas tant pour des questions de puissance, mais plutôt pour des raisons de visibilité. En effet, l’augmentation drastique de puissance sur un simple étoile ne pouvait se faire que par le biais de la cylindrée, c’est-à-dire par le montage de cylindres ayant une course et un alésage de plus en plus grands, donc au final des moteurs toujours plus imposants, bouchant de ce fait la vue du pilote vers l’avant. Ce qui deviendrait problématique dans le cas d’un appontage…

Le Twin Wasp junior ne se vendit pas très bien au début de sa commercialisation, car la puissance développée -825 chevaux- pouvait être fournie par un simple étoile possédant moins de pièces -tels que Wright Cyclone ou encore Bristol Pegasus, ce dernier étant à chemises coulissantes-,  nécessitant donc à la fois moins d’entretien et de pièces détachées. Néanmoins, le R-1535 fut installé sur un appareil uniquement destiné à battre le record de vitesse, à savoir le Hughes H-1 Racer, produit à un seul exemplaire. En 1935, le fameux milliardaire remporta temporairement le titre « d’homme le plus vite du monde » en volant à la vitesse de 556 km/h de moyenne sur quatre survols chronométrés. Le pilote oublia de jeter un coup d’œil régulier à la jauge d’essence, le moteur s’étouffa faute de carburant et Hughes fut contraint de se poser dans un champ de betteraves, train rentré, n’occasionnant que des dégâts mineurs à l’appareil.

Howard Hughes et son H-1 de record, juste après s'être posé dans un champ de bettraves, à Santa Ana le 13 septembre 1935. L'appareil n'a pas trop souffert et sera reconstruit pour que Hughes ne batte cette fois-ci son propre record de la traversée transcontinentale dans le sens ouest-est des Etats-Unis.

Howard Hughes et son H-1 de record, juste après s'être posé dans un champ de betteraves, à Santa Ana le 13 septembre 1935. L'appareil n'a pas trop souffert et sera reconstruit pour que Hughes ne batte cette fois-ci son propre record de la traversée transcontinentale dans le sens ouest-est des Etats-Unis.

Ce dernier fut reconstruit avec pour changement notable une nouvelle voilure mixte construite en bois et alliage, d’envergure supérieure à la précédente. Le H-1 avait pour particularité d’avoir une voilure monobloc, comme le Mitsubishi Zero.  Ceci et quelques autres détails communs aux deux appareils firent qu’Hughes prétendit que les japonais,  et plus spécialement Jiro Horikoshi, l’ingénieur responsable du développement du redoutable chasseur nippon, avait sciemment copié le design du H-1, ce qui est on ne peut plus faux (1).

Au cours de l’accident, l’appareil eut le capot moteur, son hélice, l’intrados de voilure et le fuselage endommagés. Mais les dégâts ne furent pas irréparables, au sens ou il s’agissait plus de toles froissées plutôt qu’autre chose.

Environ un an et demi après son record de vitesse, Hughes s’attaqua à celui de la tranversée des Etats-Unis d’ouest en est, reliant Los-Angeles à New-York en 7 heures, 28 minutes et 25 secondes… battant ainsi son précédent record de deux heures, ayant volé avec le H-1 à la vitesse moyenne de 518 km/h. (2)

Hughes devant son racer H-1, ce dernier étant encore doté de sa voilure courte. L'appareil ne dispose pas de roulette de queue mais d'un simple patin... dont l'amortisseur semble avoir quelques problèmes d'hydraulique !

Hughes devant son racer H-1, ce dernier étant encore doté de sa voilure courte. L'appareil ne dispose pas de roulette de queue mais d'un simple patin... dont l'amortisseur semble avoir quelques problèmes d'hydraulique !

Hughes pensait à la suite de ces records détenir l’appareil qui serait produit en série pour le bénéfice de l’Air Corps, ou du moins dont le dessin donnerait naissance à une nouvelle génération de chasseurs. Malheureusement pour lui, ses efforts furent vains puisque ce qui allait devenir l’US Air Force se désintéressa rapidement de l’appareil, cette dernière ne jurant à l’époque que par les biplans, les militaires les considérant comme d’une maniabilité supérieure aux monoplans cantilever. Comme tant d’autres, Hughes avait eu le malheur d’avoir raison trop tôt !

Installation du P&W 1535 Twin Wasp junior sur le Hughes H-1 exposé au National Air & Space Museum de Washington.

Installation du P&W 1535 Twin Wasp junior sur le Hughes H-1 exposé au National Air & Space Museum de Washington.

On peut penser que si Hughes eut réussi à vendre son appareil au corps aérien de l’armée américaine, le destin du Twin Wasp junior eut été différent. Malheureusement ce moteur ne se vendit jamais en quantité importantes à la différence du Wasp, du Hornet ou encore du Twin Wasp. De la sorte, son développement fut stoppé en 1936.


En 2002 vola pour la première fois la réplique du H-1 construite par un passionné du nom (prédestiné !) de Jim Wright. Malheureusement ce dernier n’eut pas le temps de profiter pleinement de son appareil : après l’avoir présenté au public le 4 août 2003 lors de  l’Air Venture à Oshkosh, l’appareil s’écrasa au nord du Yellowstone National Park, tuant Jim Wright sur le coup. La réplique aurait du être utilisée pour le film de Martin Scorcese, Aviator, consacrée à Howard Hughes. Le rapport d’enquête dressé par le NTSB (le BEA américain) identifia l’origine de l’accident ayant entraîné la mort de Jim Wright comme étant du à un problème de masselotte au niveau de l’hélice bipale à vitesse constante.

(1) Le Mitsubishi Zero ou plus exactement type Zero a beaucoup de points communs avec le H-1. D’abord au niveau de son groupe motopropulseur : le moteur Nakajima Sakae est un radial double étoile, détail qui a longuement entretenu le mythe d’un « H-1 copié par les japonais à commencer par le moteur Pratt & Whitney ». Mais la ressemblance en termes de construction aéronautique ne s’arrête pas là : les deux appareils possèdent une voilure monobloc, les fuselages sont également similaires : si sur le Zero Jiro Horikoshi et son équipe ont volontairement gardé l’appareil absent de blindages, réservoirs auto-obturants et réduit son armement à son plus strict minimum, c’était dans le but de favoriser au maximum la légèreté de l’appareil, en conséquence sa maniabilité. En ce qui concerne le H-1, l’appareil n’était pas directement destiné à une utilisation, si ce n’est militaire, guerrière. Cela explique donc une relative légèreté que l’on peut comparer avec celle du Zero, en ignorant la question de la maniabilité.

Il importe de préciser que dans tous les domaines et plus spécifiquement dans l’aéronautique, à cette période les ingénieurs, chefs de programme se sont fréquemment inspirés des idées nées de firmes concurrentes, parfois en les modifiant voir en les perfectionnant, sans que réelle copie n’existe puisque ces systèmes, pièces ou dessins étaient brevetés.  Parfois également, deux systèmes ou dessins ont été imaginés approximativement au même moment dans deux pays différents. Cela a conduit à certaines fâcheries : ainsi le grand Émile Dewoitine fut accusé à tord d’avoir sciemment copié le principe de monolongeron par Willy Mersserschmitt, alors que dans le cas présent, chacun avait réfléchi à la manière de concevoir une voilure à la fois solide et résistante.

Le Dewoitine D-33 "Trait d'Union" que pilota Marcel Doret et dont il fut le seul rescapé sur un équipage de trois aviateurs. L'appareil s'écrasa en Sibérie après avoir parcouru plus de 10 000 km.

Le Dewoitine D-33 "Trait d'Union" que pilota Marcel Doret et dont il fut le seul rescapé sur un équipage de trois aviateurs. L'appareil s'écrasa en Sibérie après avoir parcouru plus de 10 000 km.

On retrouve le monolongeron Dewoitine entre autre sur le Trait d’Union, monomoteur triplace de record que pilota l’un des meilleurs pilotes d’essais et de voltige de tous les temps, Marcel Doret, avant que l’appareil ne s’écrase en Sibérie après avoir parcouru 10 520 km. Cet appareil, à la voilure dotée d’un grand allongement, vit son concept repris par les soviétiques. En juin 1937, soit 7 ans après le premier vol du Dewoitine D-33, Valery Chkalov dit « le Lindbergh russe » effectua un vol transpolaire qui le conduisit de Moscou à l’aérodrome militaire de Pearson, à Vancouver. Son appareil, l’ANT-25, ressemblait beaucoup au Trait d’Union, sans être toutefois une réelle copie…

L'ANT-25, qui permit à Valery Chkalov de relier Moscou à Vancouver par un vol transpolaire.

L'ANT-25, qui permit à Valery Chkalov de relier Moscou à Vancouver par un vol transpolaire.


(2) Hughes avait à l’origine effectué la première traversée transcontinentale des Etats-Unis sur le Northrop Gamma de Jacqueline Cochran, ayant pour objectif de battre le record établi par Roscoe Turner (triple vainqueur du Thompson Trophy et accessoirement personnage haut en couleurs) en 1934 à l’occasion du Bendix Trophy Race. Hughes, pour battre le record de Roscoe Turner, avait besoin d’un avion rapide et à la suite de l’accident du H-1, il savait également que l’appareil ne pourrait pas être reconstruit avant plusieurs mois. Hughes se pencha alors avec intérêt sur les nouveaux avions de John Northrop. Jacqueline Cochran avait récemment acquis un Gamma. Hughes calcula qu’en remplaçant le Pratt & Whitney R-1535 du Gamma par un Wright Cyclone R-1820 accouplé à une hélice Hamilton Standard à pas variable, il battrait aisément le record de Roscoe Turner.

Si Hughes avait commandé un Gamma à Northrop, l’appareil n’eut pas été livré immédiatement puisqu’il se serait écoulé plusieurs mois avant que le milliardaire ne réceptionne son monoplan. Hughes téléphona donc à Jacqueline Cochran un soir à onze heures et demie tandis que cette dernière dormait déjà. Il se présenta en disant simplement « Jackie, c’est Howard« , ce à quoi l’aviatrice répondit « Howard qui ? ». Elle crut à une mauvaise plaisanterie jusqu’à ce qu’Hughes lui propose de racheter son appareil. Jacqueline Cochran l’informa que le Gamma n’était pas à vendre, puisqu’elle souhaitait participer au trophée Bendix. « Moi aussi, répondit Hughes, et je veux battre le record de Roscoe Turner« . Ce que Jacqueline Cochran souhaitait également faire. Obstiné, Hughes l’invita à venir à Mines Field le lendemain pour contempler le H-1… Et ne cessa dès lors d’insister pour lui racheter son Gamma.

Le Northrop Gamma de Jacqueline Cochran, vu ici en 1934. John Northrop avait été à l'origine employé par la firme Loughead, mieux connue par la suite sous le nom de Lockheed. Il dessina entre-autre le Vega, puis en 1929 avec le soutien financier de William Boeing, fonda la Northrop Aircraft Corporation.

Le Northrop Gamma de Jacqueline Cochran, vu ici en 1934. John Northrop avait été à l'origine employé par la firme Loughead, mieux connue par la suite sous le nom de Lockheed. Il dessina entre-autre le Vega, puis en 1929 avec le soutien financier de William Boeing, fonda la Northrop Aircraft Corporation.

Hughes savait que Jacqueline Cochran était dans le besoin. Célibataire, sa seule source de revenus reposait sur les apparitions qu’elle faisait au gré des campagnes de publicité destinées à promouvoir différents produits cosmétiques. Seulement le Gamma lui coutait cher, et ses sources de revenus restaient limitées.  Hughes lui proposa donc un marché qu’elle ne put refuser : il lui offrit de louer l’appareil à peu près au même prix qu’elle l’avait acheté ! Pendant ce temps-là, Hughes, qui n’avait aucune expérience des vols transcontinentaux effectua une série de onze vols en qualité de copilote sur un DC-2 de la TWA -compagnie dont il devint par la suite propriétaire et qui devint accessoirement la première compagnie à acquérir le quadrimoteur Lockheed Constellation-.

Le 13 janvier 1936, Hughes remporta le nouveau premier record de vitesse de traversée des Usa d’ouest en est en neuf heures et vingt-sept minutes. Puis il se mit à battre d’autres records de vitesse entre les grandes villes américaines, de New-York à Los-Angeles via Miami et Chicago. Hughes, en vertu de l’accord de location passé avec Jacqueline Cochran, dut alors soit acquérir définitivement l’appareil, soit le lui retourner. De Chicago il lui fit parvenir un chèque, puis rentra à Los-Angeles.  L’appareil fut stocké dans un hangar, Hughes décida de le revendre à son ex propriétaire pour une somme bien inférieure. Le Gamma n’avait alors plus grand chose de commun avec l’appareil que Jacqueline Cochran avait acquis, bénéficiant d’un moteur Wright mais également d’instruments spécifiques. Hughes de son côté remporta le très convoité trophée Harmon, une récompense décernée chaque année au plus méritant des aviateurs. Hughes le reçut des mains de Franklin Roosevelt.

Antony Angrand.


Publié par : PBY-Catalina | 29/06/2009

Aux commandes du Cat – Flying the Cat (1)

Comment ça vole un Cat’ ? La réponse est « plutôt bien » ! Ce n’est pas un pur-sang loin de là, mais ses avantages se situent ailleurs : c’est un peu comme sur un DC-3/C-47, lorsque l’on est bercé par la musique des moteurs, on vole en vitesse de croisière en prenant le temps de savourer le temps qui s’écoule, un privilège rare de nos jours. En fait, le Cat’ est le digne descendant des fabuleux Boeing 314 « Clipper » de la Pan-Am, tenue d’une main de fer par Juan Trippe, qui sillonnaient l’océan pacifique, avec tout le confort nécessaire à bord. Toute une époque !

Sur le Cat’ c’est un peu la même chose. L’aménagement US Navy comporte non seulement une cuisine, mais également des couchettes pour pouvoir se reposer au cours des très longues patrouilles au dessus de l’océan, quel qu’il soit. Et d’ailleurs, Quantas, la BOAC pour ne citer qu’elles exploitèrent l’appareil pour du transport aérien, qu’il s’agisse de fret ou de passagers. Commençons tout d’abord par le tour du propriétaire… Suivez le guide !

Commençons de gauche pour aller vers la droite.

Un Catalina vue en coupe au sens réel du terme. Celui-ci est exposé au Naval Aviation Museum de Pensacola, creuset de l'aéronavale militaire américaine.

Un Catalina vu en coupe au sens réel du terme. Celui-ci est exposé au Naval Aviation Museum de Pensacola, creuset de l’aéronavale militaire américaine.

En (1), le poste du mitrailleur de nez, dont la tourelle est armée de d’une Browning .30 (7,62 mm) comme c’est le cas ici, puis de deux mitrailleuses de calibre .30 . La tourelle n’est certes pas très aérodynamique, mais son dessin est étudié pour ne pas gêner la vue des pilotes vers l’avant. Il y a eu deux types de tourelles, celle-ci et l’ « eye ball », aux formes un peu plus arrondies.

Montage d'une mitrailleuse de .30 (7,62 mm) dans la tourelle de nez.

Montage d’une mitrailleuse de .30 (7,62 mm) dans la tourelle de nez.

En dessous de la tourelle, on aperçoit un petit vitrage, qui n’est en fait autre que celui du bombardier, rôle joué par le mitrailleur de nez comme sur d’autres appareils -B-17 et B-24 pour ne citer que ces derniers-.

Le poste de bombardier, on aperçoit une partie des vitrages de la tourelle de nez en haut de la photo.

Le poste de bombardier, on aperçoit une partie des vitrages de la tourelle de nez en haut de la photo.

Sur certains modèles, un radôme abritant un radar fut installé entre le mât principal de voilure  et le cockpit.

Le poste de mitrailleur avant disposait de suffisamment de place, à condition de ne pas être trop grand...

Le poste de mitrailleur avant disposait de suffisamment de place. Le petit mât juste à droite permet d’amarrer l’appareil à une bouée flottante, via un autre point d’amarrage, invisible ici, situé sous la coque. Le Cat’ dispose également de sa propre ancre, repliable et logée dans le compartiment dont on aperçoit la trappe ouverte juste derrière le petit mât.

En (2), le commandant de bord et son copilote, dans un cockpit suffisamment vitré et dont les dimensions permettent de s’y mouvoir sans trop de problèmes. L’accès aux commandes est aisé… Mais nous en reparlerons !

Le poste de pilotage du Cat', à gauche la place de commandant de bord.

Le poste de pilotage du Cat’, à gauche la place de commandant de bord.

Derrière leurs sièges se trouve une cloison, qui les sépare du navigateur (4) et de l’un des marins qui sert l’une des mitrailleuses de gondole (7). Le navigateur cache la place du radio (3),…

La place de l'opérateur radio, avec ses émetteurs et récepteurs.

La place de l’opérateur radio, avec ses émetteurs et récepteurs.

…qui lui est exactement opposée. Les postes étaient alors encombrants et lourds à l’époque, nécessitant sur les multimoteurs un opérateur pour s’en occuper, car les pilotes avaient déjà fort à faire avec le pilotage de l’hydravion.

Le navigateur au premier plan, juste derrière lui, l'opérateur radio.

Le navigateur au premier plan, juste derrière lui, l’opérateur radio.

La table du navigateur, et tout au fond la porte d'accès vers les couchettes.

La table du navigateur, et tout au fond la porte d’accès vers la section cuisine-mécanicien de bord.

La place la plus bizarrement située sur le Cat’ est celle du mécanicien de bord, en (5). Il est logé dans le mat de voilure, dispose en face de lui d’un tableau de bord ou cadrans, indicateurs et autres jauges  l’informent sur le fonctionnement des moteurs.

Le siège du mécanicien volant est en haut à gauche. Au premier plan, la micro cuisine de bord.

Le siège du mécanicien volant est en haut à gauche. Au premier plan, la micro cuisine de bord.

C’est sans doute le seul à ne pas bénéficier d’une bonne vue : il n’a que deux hublots rectangulaires de petites dimensions qui lui permettent de voir dehors à droite et à gauche de sa tête, car devant lui se situe un tableau de bord ou tous les paramètres moteurs sont indiqués sur jauges et cadrans. Son rôle est aussi essentiel au pilotage de l’appareil que celui des pilotes, car durant la mise en marche des deux Pratt & Whitney R-1830, c’est lui qui détermine lorsque le lubrifiant moteur est à la température suffisante (40° C) pour pouvoir taxier l’hydravion jusqu’à la piste de décollage, entre-autres.

Le mécanicien de bord est perché dans le mât de voilure. Il ne dispose que de deux hublots rectangulaires, on peut voir l'un deux au second plan.

Le mécanicien de bord est perché dans le mât de voilure. Il ne dispose que de deux hublots rectangulaires, on peut voir l’un deux au second plan.

En (6) sont disposées les couchettes de l’équipage, appréciées lors des longues patrouilles menées au dessus des océans. Cet aménagement permettra également de faire du Cat’ un appareil très apprécié de sauvetage en mer, activité spécifique dont nous aurons l’occasion de reparler, qu’il s’agisse de sauvetage militaire aussi bien que civil.

Les couchettes à bord du Catalina, permettant à l'équipage de se reposer lors des longues patrouilles.

Les couchettes à bord du Catalina, permettant à l’équipage de se reposer lors des longues patrouilles.

Autre vue du compartiment couchettes, en direction de l'empennage de l'appareil.

Autre vue du compartiment couchettes, en direction de l’empennage de l’appareil.

Juste derrière l’espace dédié au repos, se trouvent les gondoles des mitrailleurs. Elles permettent non seulement de défendre l’appareil contre toute attaque de chasseur, mais également d’offrir une vue étendue de l’océan : c’est l’énorme avantage du Cat’ -encore aujourd’hui !- notamment lorsqu’il patrouillait pour faire de la reconnaissance ou encore lorsqu’il avait pour mission de sauver des naufragés ou des aviateurs dont l’issue du combat aérien n’avait pas été en leur faveur. Il n’était pas rare qu’à cette époque que les observateurs et même les pilotes embarquent des jumelles lors de leurs patrouilles, de manière à pouvoir voir suffisamment loin. Rarement l’équipage volait sans lunettes de soleil et casquettes, surtout sur le théâtre d’opérations du pacifique : le soleil était, d’une certaine manière, une gène constante pour l’observation de l’océan.

La gondole babord, avec ses grandes surfaces vitrées, propres à l'observation.

La gondole bâbord, avec ses grandes surfaces vitrées, propres à l’observation.

Les gondoles s’articulent sur ce modèle, de manière à ce que les mitrailleuses et mitrailleurs ne soient pas perpétuellement exposées aux quatre vents et diminuer ne serait-ce que de quelque peu la traînée induite de l’appareil. Elles sont aussi toutes désignées pour transborder les aviateurs et rescapés tombés en mer, naufragés. Leur ouverture suffisamment large permet de faire passer un blessé couché sur un brancard, sans trop de peine pour l’équipage, ni de mal pour la victime. Lorsque certains Cat’ furent reconvertis en bombardier d’eau, les gondoles furent alors déposées et le vide laissé obstrué par des tôles.

Les mitrailleurs bénéficiaient d'une protection sommaire, sous la forme d'un tablier blindé monté sur l'affût de mitrailleuse.

Les mitrailleurs bénéficiaient d’une protection sommaire, sous la forme d’un tablier blindé monté sur l’affût de mitrailleuse.

Entre les deux gondoles de tir, en direction de l'empennage. On aperçoit les toilettes de bord, à la verticale de la gondole droite, ainsi que le mécanisme d'ouverture des gondoles.

Entre les deux gondoles de tir, en direction de l’empennage. On aperçoit les toilettes de bord, à la verticale de la gondole droite, ainsi que le mécanisme d’ouverture des gondoles.

Franchissons la cloison que nous voyons dans la photo ci-dessus et nous nous retrouvons au dessus et en arrière du redan, qui donne accès au poste de mitrailleur de queue -bien que la position et la location exacte de la mitrailleuse n’ai rien de commun avec celle d’un B-25 pour ne citer que cet exemple-. C’est également dans cette section de l’appareil que sont disposées les équipements de largage de bouées et fumigènes (8).

Yves Cartilier.

Le compartiment de largage des bouées et autres fumigènes.

Le compartiment de largage des bouées et autres fumigènes.

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